Exercice pour expliquer un texte de Nietzsche
Un questionnaire précis et poussé pour inciter les élèves à expliquer un texte de Nietzsche, par Sausen Mustafova, professeur de philosophie au lycée La Hôtoie d’Amiens.
Explication de texte :
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
Nous pourrions penser, sentir, vouloir, nous souvenir ou agir sans qu’il soit nécessaire que nous ayons conscience de tout cela – quoiqu’un philosophe ancien puisse trouver quelque chose d’offensant dans cette idée. Pourquoi donc la conscience est-elle superflue ? (…) Le fait que nos actes, nos pensées, nos sentiments, nos mouvements parviennent à notre conscience – du mois en partie – est la conséquence d’une terrible nécessité qui a longtemps dominé l’homme : étant l’animal qui courait le plus de dangers, il avait besoin d’aide et de protection, il avait besoin de ses semblables, il était forcé de savoir exprimer sa détresse, de savoir se rendre intelligible – et pour tout cela il lui fallait d’abord la conscience, pour savoir lui-même ce qui lui manquait, savoir quelle était sa disposition d’esprit, savoir ce qu’il pensait. (…) Mais la pensée qui devient consciente n’en est que la plus petite partie, la partie la plus médiocre et la plus superficielle – car c’est cette pensée consciente seulement qui s’effectue en paroles, en signes de communication, ce qui révèle bien l’origine même de la conscience.
Nietzsche
Éléments de correction pour le texte de Nietzsche.
Répondre à ces questions vous permet d’aborder tous les éléments importants du texte de Nietzsche.
I. Quelles sont les notions en jeu dans ce texte ?
II. Réfléchir à la thèse du texte et à l’antithèse ; formuler une problématique :
- Traditionnellement, comment considère-t-on l’homme ? Quelle position lui donne-t-on dans la nature et par rapport à l’animal ?
- Qui pourrait être le représentant de cette tradition ? Justifiez votre réponse.
- Face à cette interprétation de la place de l’homme dans le monde, Nietzsche se veut méfiant et critique, quelle est sa thèse ?
- Formulez à présent une problématique.
III. Les articulations du texte, autrement dit les étapes de l’argumentation de l’auteur lui permettant de soutenir sa thèse :
Première partie de _________________________________ à ___________________________________________
Objet de cette première partie :
Deuxième partie de _________________________________ à ___________________________________________
Objet de cette deuxième partie :
Troisième partie de _________________________________ à ___________________________________________
Objet de cette troisième partie :
IV. Première partie :
- D’emblée L’auteur s’oppose à la tradition ; Expliquez en quoi il la remet en question
- Nous pourrions dire que Nietzsche rejoint une position sceptique. Il est possible de rapprocher sa position de celle de Hume, Traité de la nature humaine L 1 Partie 4 section 6 (de l’identité personnelle).
Lisez ce texte de Hume :
Pour ma part, quand j’entre le plus intimement dans ce que j’appelle moi-même, je bute toujours sur quelque perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais, à aucun moment, me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer autre chose que la perception. Quand mes perceptions sont supprimées pour un temps, comme par un sommeil profond, aussi longtemps que je suis sans conscience de moi-même, on peut vraiment dire que je n’existe pas. Et si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort, et que je ne puisse ni penser, ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé, et je ne conçois pas ce qu’il faudrait de plus pour faire de moi une parfaite non-entité.
Si quelqu’un, à partir d’une réflexion sérieuse et sans préjugé, pense qu’il a une notion différente de lui-même, je dois avouer que je ne puis raisonner plus longtemps avec lui. Tout ce que je peux lui accorder, c’est qu’il peut avoir raison aussi bien que moi, et que nous différons essentiellement sur ce point. Il peut peut-être percevoir quelque chose de simple et de continu, qu’il appelle lui-même, mais je suis certain qu’il n’existe pas un tel principe du moi.
Mais en écartant certains métaphysiciens de ce genre, je peux m’aventurer à affirmer du reste des hommes qu’ils ne sont rien qu’un ensemble (bundle), une collection de différentes perceptions qui se succèdent les unes aux autres avec une inconcevable rapidité et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels. Nos yeux ne peuvent tourner dans leurs orbites sans faire varier nos perceptions. Notre pensée est encore plus variable que notre vue, et tous nos autres sens et toutes nos autres facultés contribuent à ce changement. Il n’est pas un seul pouvoir de l’âme qui demeure inaltérablement identique peut-être pour un seul moment. L’esprit est une sorte de théâtre où différentes perceptions font successivement leur apparition, passent, repassent, glissent et se mêlent en une infinie variété de positions et de situations. Il n’y a en lui proprement ni simplicité en un moment, ni identité en différents moments. La comparaison du théâtre ne doit pas nous induire en erreur. Ce sont seulement les perceptions successives qui constituent l’esprit. Nous n’avons pas la plus lointaine notion du lieu où ces scènes sont représentées ni des matériaux dont ils se composent .
Comment pourrait-on s’en servir pour travailler le texte de Nietzsche ?
V. Deuxième partie :
- Pourquoi la conscience humaine, loin d’être essentielle, n’est-elle que secondaire et superflue ? Quelle est l’origine de la conscience chez l’homme ? (C’est bien à ces questions que Nietzsche répond dans ce texte).
- Le développement de la conscience est-il le fruit de la nécessité ou de la contingence ? Justifiez votre réponse.
- Quel rôle joue la conscience dans l’évolution de l’homme et dans le fait que l’homme vive en société ?
- A la fin de cette deuxième partie la conscience apparaît-elle plutôt comme superflue ou bien comme un élément salvateur ?
VI. Troisième partie :
- Qu’est-ce qui rend cohérente l’argumentation de Nietzsche ?
- Le langage exprime-t-il toutes nos pensées ? Quelles sont les pensées exprimées par le langage ?
- En quoi la notion d’inconscient est-elle implicitement présente ici ?
- Si la conscience est superflue, le langage l’est-il également ?
- Le langage nous éloigne-t-il des choses et de nous-même ?