Philosophie

Sommaire

Sujets des concours de philosophie 2011

Tous les sujets de philosophie des concours session 2011. A noter : le CAPES Le CAPES est le certificat d’aptitude à l’enseignement du second degré, concours national de recrutement des enseignants qui permet d’entrer dans le corps de professeurs certifiés. externe a dorénavant lieu en novembre (2010 pour cette session).

 CAPES Le CAPES est le certificat d’aptitude à l’enseignement du second degré, concours national de recrutement des enseignants qui permet d’entrer dans le corps de professeurs certifiés. externe et CAFEP Le CAFEP est le certificat d’aptitude aux fonctions d’enseignement dans les établissements d’enseignement privés, concours national identique au CAPES, dont un certain nombre de postes est réservé à l’enseignement privé.

9 et 10 novembre 2010

  • Première composition : dissertation.

Durée = 5h

Peut-on ne pas être soi-même ?

  • Deuxième composition : explication de texte.

Durée = 5h

« Notre perception courante, imprécise, prend un groupe de phénomènes pour une unité et l’appelle un fait ; entre celui-ci et un autre fait, elle ajoute par l’imagination un espace vide, elle isole chacun des faits. En réalité, agir et connaître ne sont pas des suites de faits et d’intervalles vides, mais un flux constant. Or, la croyance à la liberté du vouloir est précisément inconciliable avec la représentation d’un écoulement constant, unique, indivis, indivisible : elle suppose que tout acte distinct est isolé et indivisible ; elle est un atomisme en matière de vouloir et de connaissance. – De même que nous comprenons les caractères de façon imprécise, de même faisons-nous des faits ; nous parlons de caractères identiques, de faits identiques : il n’existe rien de tel. Cependant, nous ne louons et ne blâmons qu’en vertu de ce faux postulat qu’il y a des faits identiques, qu’il existe un ordre hiérarchisé de genres de faits auquel correspondrait un ordre hiérarchisé de valeurs ; donc, nous n’isolons pas seulement les faits un à un, mais aussi à leur tour les groupes de faits prétendument identiques (actions bonnes, mauvaises, compatissantes, envieuses, etc.) – commettant dans les deux cas une erreur. – Le mot et le concept sont la raison visible qui fait que nous croyons à cet isolement de groupes d’actions : ils ne nous servent pas seulement à désigner les choses, c’est l’essence de celles-ci que nous nous figurons à l’origine saisir par eux. Maintenant encore, les mots et les concepts nous induisent continuellement à penser les choses plus simples qu’elles ne sont, séparées l’une de l’autre, indivisibles, chacune étant en soi et pour soi. Il y a, cachée dans la langue, une mythologie philosophique qui perce et reperce à tout moment, si prudent que l’on puisse être par ailleurs. La croyance à la liberté du vouloir, c’est-à-dire des faits identiques et des faits isolés, a dans la langue son évangéliste et son défenseur persévérants. »

NIETZSCHE, Humain, trop humain, II, 2 : « Le voyageur et son ombre », §11, trad. R. Rovini modifiée.

 AGRÉGATION interne

25 et 26 janvier 2011

  • Première composition : explication de texte

Durée = 6 h 30

Le candidat a le choix entre les deux textes suivants :

Texte n° 1

En admettant maintenant que l’on ait prouvé que l’âme de l’homme soit un esprit (quoique ce qui précède fasse voir qu’une telle preuve n’a encore jamais été apportée), la première question que l’on pourrait poser serait à peu près celle-ci : où est le lieu de cette âme humaine dans le monde corporel ? Je répondrais : ce corps dont les changements sont les miens est mon corps, et son lieu est aussi le mien. Si l’on demandait ensuite : où donc est ton lieu (celui de l’âme) dans ce corps ? alors je soupçonnerais quelque chose d’insidieux dans cette question. Car on remarque aisément qu’elle suppose déjà quelque chose qui n’est pas connu par expérience mais repose peut-être sur des inférences imaginaires, à savoir que mon moi pensant est dans un lieu distinct des lieux d’autres parties de ce corps qui est mien. Or nul n’a de conscience immédiate d’un lieu privilégié dans son corps, mais seulement du lieu qu’il occupe en tant qu’homme par rapport au monde qui l’entoure. Aussi, pour m’en tenir à l’expérience commune, dirais-je provisoirement : où je sens, c’est là que je suis, Je ne suis pas moins immédiatement au bout de mes doigts que dans ma tête. C’est moi-même qui ai mal au talon et dont le cœur bat dans l’émotion. Quand mon cor au pied me tourmente, ce n’est pas dans un nerf du cerveau que je sens l’impression douloureuse, mais c’est au bout de mes orteils. Nulle expérience ne m’enseigne à tenir pour éloignées de moi certaines parties de ma sensation, et à emprisonner mon moi indivisible dans un petit coin microscopique du cerveau, d’où il ferait mouvoir le levier de ma machine corporelle et où il serait lui-même touché par lui. C’est pourquoi j’exigerais une preuve rigoureuse pour trouver absurde ce que disaient les scolastiques : « mon âme est tout entière dans mon corps tout entier et tout entière dans chacune de ses parties ». Le bon sens aperçoit souvent la vérité avant de voir les raisons permettant de la prouver ou de l’élucider. Je ne serais pas non plus tout à fait désorienté par l’objection, si l’on me disait que par cette voie j’envisage l’âme comme étendue et répandue par tout le corps, à peu près comme elle est dépeinte aux enfants dans le « Monde en images »(1). Car j’écarterais cet obstacle en observant que la présence immédiate dans la totalité d’un espace prouve uniquement une sphère d’activité externe et non une multiplicité de parties internes ni par conséquent une étendue ou figure, vu qu’il n’en existe que si dans un être pris en lui-même il y a espace, autrement dit si l’on y trouve des parties extérieures les unes aux autres. En fin de compte, ou bien je saurais ce peu de choses sur la nature spirituelle de mon âme, ou bien, si on ne me l’accordait pas, je me contenterais encore de n’en rien savoir du tout.

Emmanuel Kant, Rêves d’un visionnaire

(1) Il s’agit sans doute d’une publication allemande plus ou moins proche de l’Orbis pictus de Comenius (Nuremberg, 1658), ouvrage resté très populaire jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

Texte n°2

D’une manière générale, l’état psychologique nous paraît, dans la plupart des cas, déborder énormément l’état cérébral. Je veux dire que l’état cérébral n’en dessine qu’une petite partie, celle qui est capable de se traduire par des mouvements de locomotion. Prenez une pensée complexe qui se déroule en une série de raisonnements abstraits. Cette pensée s’accompagne de la représentation d’images, au moins naissantes. Et ces images elles-mêmes ne sont pas représentées à la conscience sans que se dessinent, à l’état d’esquisse ou de tendance, les mouvements par lesquels ces images se joueraient elles-mêmes dans l’espace, - je veux dire, imprimeraient au corps telles ou telles attitudes, dégageraient tout ce qu’elles contiennent implicitement de mouvement spatial. Eh bien, de cette pensée complexe qui se déroule, c’est là, à notre avis, ce que l’état cérébral indique à tout instant. Celui qui pourrait pénétrer à l’intérieur d’un cerveau, et apercevoir ce qui s’y fait, serait probablement renseigné sur ces mouvements esquissés ou préparés ; rien ne prouve qu’il serait renseigné sur autre chose. Fût-il doué d’une intelligence surhumaine, eût-il la clef de la psychophysiologie, il ne serait éclairé sur ce qui se passe dans la conscience correspondante que tout juste autant que nous le serions sur une pièce de théâtre par les allées et venues des acteurs sur la scène.

C’est dire que la relation du mental au cérébral n’est pas une relation constante, pas plus qu’elle n’est une relation simple. Selon la nature de la pièce qui se joue, les mouvements dés acteurs en disent plus ou moins long : presque tout, s’il s’agit d’une pantomime ; presque rien, si c’est une fine comédie. Ainsi notre état cérébral contient plus ou moins de notre état mental, selon que nous tendons à extérioriser notre vie psychologique en action ou à l’intérioriser en connaissance pure.

Il y a donc enfin des tons différents de vie mentale, et notre vie psychologique peut se jouer à des hauteurs différentes, tantôt plus près, tantôt plus loin de l’action, selon le degré de notre attention à la vie.

Henri Bergson, Matière et Mémoire (Avant-propos de la septième édition)

  • Deuxième composition : dissertation (se rapportant au programme de terminale)

Durée = 7 h

Notre rapport au monde peut-il n’être que technique ?

 CAPES INTERNE

1er février 2011

Composition : étude ordonnée d’un texte philosophique ou traitement d’une question de philosophie,
au choix du jury, sur un sujet défini dans le cadre du programme de philosophie des classes terminales.

Durée = 5 h

Le métier de politique.

 AGRÉGATION externe

29, 30 et 31 mars 2011

  • Première composition.

Durée=7h

La force des idées.

  • Deuxième composition (sur thème).

Durée=7h

D’où vient que l’histoire est autre chose qu’un chaos ?

  • Troisième composition (histoire de la philosophie).

Durée=6h

On se sera suffisamment convaincu dans tout le cours de notre critique que si la métaphysique ne peut pas être le soubassement de la religion, elle doit cependant en rester toujours comme le rempart, et que la raison humaine, déjà dialectique par la tendance de sa nature, ne peut jamais se passer d’une telle science, qui la tient en bride et qui, par une connaissance scientifique et pleinement éclairante de soi-même, prévient les dévastations qu’une raison spéculative dépourvue de lois ne manquerait pas sans cela de produire dans la morale aussi bien que dans la religion. On peut donc être sûr que, si dédaigneux et méprisants que puissent être ceux qui ne savent pas juger d’une science d’après sa nature, mais seulement d’après ses effets accidentels, on reviendra toujours à la métaphysique comme à une bien-aimée avec laquelle on s’était brouillé, parce que, comme il s’agit ici de fins essentielles, la raison doit travailler sans relâche soit à acquérir une vue solidement établie, soit à renverser de bonnes vues antérieurement formées.
La métaphysique, celle de la nature aussi bien que celle des mœurs, et surtout la critique d’une raison qui se hasarde à voler de ses propres ailes, critique qui précède à titre d’exercice préliminaire (propédeutique), constituent donc proprement à elles seules ce que nous pouvons nommer philosophie dans le véritable sens de ce mot. Celle-ci rapporte tout à la sagesse, mais par le chemin de la science, le seul qui, une fois frayé, ne se referme pas et ne permette aucune erreur. La mathématique, la physique, même la connaissance empirique de l’homme ont une haute valeur comme moyens pour les fins de l’humanité, fins accidentelles dans la plupart des cas, mais aussi au bout du compte fins nécessaires et essentielles ; mais ce n’est dans ce dernier cas que par l’intermédiaire d’une connaissance rationnelle par simples concepts, laquelle, de quelque nom qu’on l’appelle, n’est proprement rien d’autre que la métaphysique.

C’est bien pourquoi la métaphysique est aussi l’achèvement de toute culture de la raison humaine, et cet achèvement est indispensable, même si on laisse de côté son influence, en tant que science, sur certaines fins déterminées. En effet, elle considère la raison d’après ses éléments et ses maximes suprêmes, qui doivent être au fondement de la possibilité de quelques sciences et de l’usage de toutes. Que, comme simple spéculation, elle serve davantage à prévenir les erreurs qu’à étendre la connaissance, cela n’ôte rien à sa valeur, mais plutôt lui donne dignité et prestige ; car elle remplit ainsi une fonction de censure qui assure l’ordre et la concorde générale, voire la prospérité de la république scientifique, et qui retient ses travaux hardis et féconds de s’éloigner de la fin principale : le bonheur universel.

Kant, Critique de la raison pure, II, III (Architectonique de la raison pure), Ak. III, 548-549.

Mise à jour : 23 décembre 2011