Philosophie

Sommaire

{{{CAPES interne}}} (26 février 2003) {{ Composition de philosophie.}} {Durée = 6 h.} Qu'est-ce qu'agir ? {{{AGRÉGATION interne}}} (11 et 12 février 2003) - {{Première composition de philosophie (étude ordonnée d'un texte)}} {Durée = 6 h 30.} Le candidat a le choix entre les deux textes suivants. L'étude ordonnée du texte choisi doit lui permettre, en déterminant ce dont il est question dans le texte, d'en dégager les éléments pour une leçon ou une suite organisée de leçons. Texte n°1 "[...] En général, nous n'utilisons pas le langage en suivant des règles strictes -- il ne nous a pas été enseigné au moyen de règles strictes. Nous, pourtant, dans nos discussions, comparons constamment le langage avec un calcul qui procède selon des règles exactes. Il s'agit d'une manière très unilatérale de considérer le langage. En pratique nous utilisons très rarement le langage comme un calcul de ce genre. En effet, non seulement nous ne pensons pas aux règles d'usage -- aux définitions, etc. -- lorsque nous utilisons le langage, mais lorsqu'on nous demande d'exposer de telles règles, dans la plupart des cas nous sommes incapables de le faire. Nous sommes incapables de circonscrire clairement les concepts que nous utilisons ; non parce que nous ne connaissons pas leur vraie définition, mais parce qu'ils n'ont pas de vraie "définition". Supposer qu'il y en a nécessairement serait comme supposer que, à chaque fois que des enfants jouent avec un ballon, ils jouent en respectant des règles strictes. On trouve dans les sciences et en mathématiques ce que nous avons à l'esprit quand nous parlons du langage comme d'un symbolisme utilisé dans un calcul exact. Notre utilisation ordinaire du langage ne respecte cette norme d'exactitude que dans de rares cas. Mais alors, pourquoi comparons-nous constamment, quand nous philosophons, notre utilisation des mots avec une utilisation qui suit des règles exactes ? La réponse est que les énigmes que nous essayons d'éliminer surgissent toujours de cette attitude-là par rapport au langage. A titre d'exemple, considérez la question : "Qu'est-ce que le temps ?" comme saint Augustin et d'autres l'ont posée. A première vue, ce que cette question nous demande, c'est une définition, mais alors la question suivante se pose immédiatement : "Qu'avons-nous à gagner par une définition, puisqu'elle ne peut nous conduire qu'à d'autres termes indéfinis ?" Et pourquoi faut-il que seule l'absence d'une définition du temps nous rende perplexes, et non l'absence d'une définition de "chaise" ? Pourquoi ne serions-nous pas perplexes à chaque fois que nous n'avons pas de définition ? Cela dit, une définition clarifie souvent la grammaire d'un mot. Et de fait, c'est la grammaire du mot "temps" qui nous rend perplexes. Nous n'exprimons rien d'autre que cette perplexité quand nous posons une question légèrement trompeuse, à savoir : "Qu'est-ce que... ?" Cette question témoigne d'une obscurité, d'un inconfort mental ; et elle est comparable à la question "Pourquoi ?" telle que les enfants la posent si souvent. Cela aussi est l'expression d'un inconfort mental, et cela n'appelle pas nécessairement en réponse une cause, ni une raison." Wittgenstein, {Le Cahier bleu}, [25-26], trad. M. Goldberg et J. Sackur, Gallimard, p. 67-69. Texte n°2 "Il n'y a rien que le désir, et le regret ou le repentir, qui nous puissent empêcher d'être contents : mais si nous faisons toujours ce que nous dicte notre raison, nous n'aurons jamais aucun sujet de nous repentir, encore que les événements nous fissent voir, par après, que nous nous sommes trompés, parce que ce n'est point par notre faute. Et ce qui fait que nous ne désirons point d'avoir, par exemple, plus de bras ou plus de langues que nous n'en avons, mais que nous désirons bien d'avoir plus de santé ou plus de richesses, c'est seulement que nous imaginons que ces choses ici pourraient être acquises par notre conduite, ou bien qu'elles sont dues à notre nature, et que ce n'est pas le même des autres : de laquelle opinion nous pourrons nous dépouiller, en considérant que, puisque nous avons toujours suivi le conseil de notre raison, nous n'avons rien omis de ce qui était en notre pouvoir, et que les maladies et les infortunes ne sont pas moins naturelles à l'homme, que les prospérités et la santé. Au reste, toute sorte de désirs ne sont pas incompatibles avec la béatitude ; il n'y a que ceux qui sont accompagnés d'impatience et de tristesse. Il n'est pas nécessaire aussi que notre raison ne se trompe point ; il suffit que notre conscience nous témoigne que nous n'avons jamais manqué de résolution et de vertu, pour exécuter toutes les choses que nous avons jugé être les meilleures, et ainsi la vertu seule est suffisante pour nous rendre contents en cette vie. Mais néanmoins parce que, lorsqu'elle n'est pas éclairée par l'entendement, elle peut être fausse, c'est-à-dire que la volonté et résolution de bien faire nous peut porter à des choses mauvaises, quand nous les croyons bonnes, le contentement qui en revient n'est pas solide ; et parce qu'on oppose ordinairement cette vertu aux plaisirs, aux appétits et aux passions, elle est très difficile à mettre en pratique, au lieu que le droit usage de la raison, donnant une vraie connaissance du bien, empêche que la vertu ne soit fausse, et même l'accordant avec les plaisirs licites, il en rend l'usage si aisé, et nous faisant connaître la condition de notre nature, il borne tellement nos désirs, qu'il faut avouer que la plus grande félicité de l'homme dépend de ce droit usage de la raison, et par conséquent que l'étude qui sert à l'acquérir, est la plus utile occupation qu'on puisse avoir, comme elle est aussi sans doute la plus agréable et la plus douce." Descartes, {Lettre à Elisabeth du 4 août 1645},[A.T. IV, 266-267 = édit. F. Alquié, tome III, p. 589-590]. - {{Deuxième composition de philosophie (se rapportant au programme de terminale)}} { Durée = 7 h} L'autorité de la science. {{{CAPES externe}}} (11 et 12 mars 2003) - {{Première composition.}} {Durée = 6h.} Les idées et les choses. - {{Deuxième composition.}} {Durée = 6h} Qu' est-ce que les techniques du vivant nous apprennent sur le vivant ? {{{AGRÉGATION externe}}} (14, 15 et 16 avril 2003) - {{Première composition.}} {Durée=7h} Faits et valeurs. - {{Deuxième composition (sur thème).}} {Durée=7h} Comment la volonté peut-elle être indéterminée ? - {{Troisième composition (étude ordonnée d'un texte).}} {Durée=6h} "Si par la nature d'une chose, nous entendons la totalité des vérités à son sujet, il est clair que nous ne pouvons connaître toutes les relations qu'elle entretient avec toutes les entités de l'univers. Mais alors, le mot "nature" étant pris en ce sens, il faut dire que la chose peut être connue sans que sa nature le soit, ou du moins sans que cette connaissance soit exhaustive. Il y a dans cet usage du mot "nature" une confusion entre la connaissance des choses et la connaissance des vérités. Il se peut que nous connaissions quelque chose par connaissance directe, alors même que nous ne connaissons que très peu de propositions à son sujet (théoriquement nous n'avons même pas besoin d'en connaître une seule). L'expérience directe d'une chose ne contient donc pas la connaissance de sa nature au sens défini plus haut. Et bien qu'une expérience directe soit présupposée dans toute connaissance d'une proposition à son sujet, la connaissance de sa nature au sens défini plus haut, ne l'est en aucune façon. Par conséquent : 1) l'expérience directe d'une chose ne présuppose pas logiquement la connaissance de ses relations, et 2) la connaissance de certaines relations où elle se trouve ne présuppose pas la connaissance de toutes ses relations, ni la connaissance de sa nature, toujours au même sens. J'ai par exemple l'expérience directe de mon mal de dents, connaissance aussi complète que peut l'être une connaissance par expérience, et pourtant je ne sais pas tout ce que le dentiste (qui, lui, n'a pas cette expérience directe) pourra m'apprendre sur sa cause. Je ne connais donc pas la "nature", au sens ci-dessus, de mon mal de dents. Le fait qu'une chose ait des relations ne prouve donc pas que ces relations soient logiquement nécessaires. Autrement dit, on ne peut déduire du seul fait qu'elle est ce qu'elle est les diverses relations qui sont les siennes. La conséquence ne paraît bonne que parce que nous connaissons déjà ce qu'il en est". Russell, {Problèmes de philosophie,} traduction François Rivenc, Paris, Payot, 1989,pp. 168-169

Sujets des concours de philosophie 2003

Tous les sujets de philosophie des concours session 2003.

CAPES interne

(26 février 2003)

Composition de philosophie.

Durée = 6 h.

Qu’est-ce qu’agir ?

AGRÉGATION interne

(11 et 12 février 2003)

  • Première composition de philosophie (étude ordonnée d’un texte)

Durée = 6 h 30.

Le candidat a le choix entre les deux textes suivants.
L’étude ordonnée du texte choisi doit lui permettre, en déterminant ce dont il est question dans le texte, d’en dégager les éléments pour une leçon ou une suite organisée de leçons.

Texte n°1

"[...] En général, nous n’utilisons pas le langage en suivant des règles strictes — il ne nous a pas été enseigné au moyen de règles strictes. Nous, pourtant, dans nos discussions, comparons constamment le langage avec un calcul qui procède selon des règles exactes.

Il s’agit d’une manière très unilatérale de considérer le langage. En pratique nous utilisons très rarement le langage comme un calcul de ce genre. En effet, non seulement nous ne pensons pas aux règles d’usage — aux définitions, etc. — lorsque nous utilisons le langage, mais lorsqu’on nous demande d’exposer de telles règles, dans la plupart des cas nous sommes incapables de le faire. Nous sommes incapables de circonscrire clairement les concepts que nous utilisons ; non parce que nous ne connaissons pas leur vraie définition, mais parce qu’ils n’ont pas de vraie "définition". Supposer qu’il y en a nécessairement serait comme supposer que, à chaque fois que des enfants jouent avec un ballon, ils jouent en respectant des règles strictes.

On trouve dans les sciences et en mathématiques ce que nous avons à l’esprit quand nous parlons du langage comme d’un symbolisme utilisé dans un calcul exact. Notre utilisation ordinaire du langage ne respecte cette norme d’exactitude que dans de rares cas. Mais alors, pourquoi comparons-nous constamment, quand nous philosophons, notre utilisation des mots avec une utilisation qui suit des règles exactes ? La réponse est que les énigmes que nous essayons d’éliminer surgissent toujours de cette attitude-là par rapport au langage.

A titre d’exemple, considérez la question : "Qu’est-ce que le temps ?" comme saint Augustin et d’autres l’ont posée. A première vue, ce que cette question nous demande, c’est une définition, mais alors la question suivante se pose immédiatement : "Qu’avons-nous à gagner par une définition, puisqu’elle ne peut nous conduire qu’à d’autres termes indéfinis ?" Et pourquoi faut-il que seule l’absence d’une définition du temps nous rende perplexes, et non l’absence d’une définition de "chaise" ? Pourquoi ne serions-nous pas perplexes à chaque fois que nous n’avons pas de définition ? Cela dit, une définition clarifie souvent la grammaire d’un mot. Et de fait, c’est la grammaire du mot "temps" qui nous rend perplexes. Nous n’exprimons rien d’autre que cette perplexité quand nous posons une question légèrement trompeuse, à savoir : "Qu’est-ce que... ?" Cette question témoigne d’une obscurité, d’un inconfort mental ; et elle est comparable à la question "Pourquoi ?" telle que les enfants la posent si souvent. Cela aussi est l’expression d’un inconfort mental, et cela n’appelle pas nécessairement en réponse une cause, ni une raison."

Wittgenstein, Le Cahier bleu, [25-26], trad. M. Goldberg et J. Sackur, Gallimard, p. 67-69.

Texte n°2

"Il n’y a rien que le désir, et le regret ou le repentir, qui nous puissent empêcher d’être contents : mais si nous faisons toujours ce que nous dicte notre raison, nous n’aurons jamais aucun sujet de nous repentir, encore que les événements nous fissent voir, par après, que nous nous sommes trompés, parce que ce n’est point par notre faute. Et ce qui fait que nous ne désirons point d’avoir, par exemple, plus de bras ou plus de langues que nous n’en avons, mais que nous désirons bien d’avoir plus de santé ou plus de richesses, c’est seulement que nous imaginons que ces choses ici pourraient être acquises par notre conduite, ou bien qu’elles sont dues à notre nature, et que ce n’est pas le même des autres : de laquelle opinion nous pourrons nous dépouiller, en considérant que, puisque nous avons toujours suivi le conseil de notre raison, nous n’avons rien omis de ce qui était en notre pouvoir, et que les maladies et les infortunes ne sont pas moins naturelles à l’homme, que les prospérités et la santé.

Au reste, toute sorte de désirs ne sont pas incompatibles avec la béatitude ; il n’y a que ceux qui sont accompagnés d’impatience et de tristesse. Il n’est pas nécessaire aussi que notre raison ne se trompe point ; il suffit que notre conscience nous témoigne que nous n’avons jamais manqué de résolution et de vertu, pour exécuter toutes les choses que nous avons jugé être les meilleures, et ainsi la vertu seule est suffisante pour nous rendre contents en cette vie. Mais néanmoins parce que, lorsqu’elle n’est pas éclairée par l’entendement, elle peut être fausse, c’est-à-dire que la volonté et résolution de bien faire nous peut porter à des choses mauvaises, quand nous les croyons bonnes, le contentement qui en revient n’est pas solide ; et parce qu’on oppose ordinairement cette vertu aux plaisirs, aux appétits et aux passions, elle est très difficile à mettre en pratique, au lieu que le droit usage de la raison, donnant une vraie connaissance du bien, empêche que la vertu ne soit fausse, et même l’accordant avec les plaisirs licites, il en rend l’usage si aisé, et nous faisant connaître la condition de notre nature, il borne tellement nos désirs, qu’il faut avouer que la plus grande félicité de l’homme dépend de ce droit usage de la raison, et par conséquent que l’étude qui sert à l’acquérir, est la plus utile occupation qu’on puisse avoir, comme elle est aussi sans doute la plus agréable et la plus douce."

Descartes, Lettre à Elisabeth du 4 août 1645,[A.T. IV, 266-267 = édit. F. Alquié, tome III, p. 589-590].

  • Deuxième composition de philosophie (se rapportant au programme de terminale)

Durée = 7 h

L’autorité de la science.

CAPES externe

(11 et 12 mars 2003)

  • Première composition.

Durée = 6h.

Les idées et les choses.

  • Deuxième composition.

Durée = 6h

Qu’ est-ce que les techniques du vivant nous apprennent sur le vivant ?

AGRÉGATION externe

(14, 15 et 16 avril 2003)

  • Première composition.

Durée=7h

Faits et valeurs.

  • Deuxième composition (sur thème).

Durée=7h

Comment la volonté peut-elle être indéterminée ?

  • Troisième composition (étude ordonnée d’un texte).

Durée=6h

"Si par la nature d’une chose, nous entendons la totalité des vérités à son sujet, il est clair que nous ne pouvons connaître toutes les relations qu’elle entretient avec toutes les entités de l’univers. Mais alors, le mot "nature" étant pris en ce sens, il faut dire que la chose peut être connue sans que sa nature le soit, ou du moins sans que cette connaissance soit exhaustive. Il y a dans cet usage du mot "nature" une confusion entre la connaissance des choses et la connaissance des vérités. Il se peut que nous connaissions quelque chose par connaissance directe, alors même que nous ne connaissons que très peu de propositions à son sujet (théoriquement nous n’avons même pas besoin d’en connaître une seule). L’expérience directe d’une chose ne contient donc pas la connaissance de sa nature au sens défini plus haut. Et bien qu’une expérience directe soit présupposée dans toute connaissance d’une proposition à son sujet, la connaissance de sa nature au sens défini plus haut, ne l’est en aucune façon. Par conséquent : 1) l’expérience directe d’une chose ne présuppose pas logiquement la connaissance de ses relations, et 2) la connaissance de certaines relations où elle se trouve ne présuppose pas la connaissance de toutes ses relations, ni la connaissance de sa nature, toujours au même sens. J’ai par exemple l’expérience directe de mon mal de dents, connaissance aussi complète que peut l’être une connaissance par expérience, et pourtant je ne sais pas tout ce que le dentiste (qui, lui, n’a pas cette expérience directe) pourra m’apprendre sur sa cause. Je ne connais donc pas la "nature", au sens ci-dessus, de mon mal de dents. Le fait qu’une chose ait des relations ne prouve donc pas que ces relations soient logiquement nécessaires.
Autrement dit, on ne peut déduire du seul fait qu’elle est ce qu’elle est les diverses relations qui sont les siennes. La conséquence ne paraît bonne que parce que nous connaissons déjà ce qu’il en est".

Russell, Problèmes de philosophie,
traduction François Rivenc, Paris, Payot, 1989,pp. 168-169

Mise à jour : 22 janvier 2012