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Protection du fonctionnaire : harcèlement moral au travail

La loi a souhaité une meilleure prise en compte du harcèlement moral, et propose un dispositif de proximité, de prévention, d’alerte et de prise en charge de ce problème pour tous les agents de l’État en fonction dans des services éducatifs, qui est paru au BO n°10 du 8 mars 2007

Le législateur a souhaité une meilleure prise en compte du harcèlement moral. L’administration a en effet le devoir de protéger ses agents contre de telles pratiques. Il est donc apparu important qu’au sein de l’éducation nationale, soit rappelé et précisé ce risque, ainsi que les moyens de le prévenir et d’y mettre fin.

Après un rappel de la définition du harcèlement moral, la présente circulaire a pour objet de proposer un dispositif de proximité, de prévention, d’alerte et de prise en charge de ce problème. Elle vise également à encourager la mise en place d’actions de formation en ce domaine et à préciser les sanctions auxquelles s’exposent les auteurs de harcèlement.

Cette circulaire s’adresse aux agents en fonction dans les services académiques, les EPLE Un EPLE est un établissement public local d’enseignement. Les collèges, les lycées et les établissements d’éducation spéciale sont des établissements publics locaux d’enseignement. , les écoles et les établissements publics d’enseignement supérieur, les établissements de recherche sous la tutelle du ministre chargé de la recherche et à l’administration centrale.

 I - La définition du harcèlement moral au travail

A) La définition législative

Jusqu’en 2002, une protection contre le harcèlement moral pouvait être mise en œuvre essentiellement dans le cadre de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires.

À la suite, notamment, des dispositions de la Charte sociale européenne (révisée) du 3 mai 1996 (1) et de l’adoption de deux directives communautaires prohibant le harcèlement et organisant la protection des victimes (2), la notion de harcèlement moral est apparue en tant que telle dans le statut général des fonctionnaires à la faveur de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale modifiée, qui en fait également un délit pénal.

L’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 précitée précise désormais la nature et l’origine des agissements de harcèlement moral, ainsi que les sanctions applicables à leurs auteurs. L’injonction de commettre des actes relevant du harcèlement moral est également sanctionnée.

L’article 6 quinquies dispose que :
“Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération :

  1. Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;
  2. Le fait qu’il ait exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;
  3. Ou bien le fait qu’il ait témoigné de tels agissements ou qu’il les ait relatés.

Est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus.
Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public.”

(1) “En vue d’assurer l’exercice effectif du droit de tous les travailleurs à la protection de leur dignité au travail, les parties s’engagent (...) 2. à promouvoir la sensibilisation, l’information et la prévention en matière d’actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs dirigés de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements” (art. 26).
(2) Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de race ou d’origine ethnique et directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

B) L’identification du harcèlement moral

Le harcèlement moral n’est pas aisé à appréhender car il peut se caractériser par diverses actions. Il s’agit d’une conduite abusive résultant de propos, d’agissements répétés ou d’écrits hostiles sur une relativement longue période (plusieurs semaines, voire plusieurs mois) se traduisant, à l’égard de la victime, par une mise en cause de sa personne soit directement, soit à travers son travail. Ces pratiques peuvent se traduire par un isolement professionnel.

La conjonction et la répétition de tels faits ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail qui peut aboutir à une altération de la santé physique ou mentale de l’agent (anxiété, troubles du sommeil, conduites addictives, atteintes somatiques, dépression, etc.), compromettre son avenir professionnel ou porter atteinte à ses droits et à sa dignité.

Tout agent se prétendant harcelé n’est pas forcément victime d’un processus de harcèlement. Le harcèlement moral ne doit être confondu ni avec les reproches exprimés par un supérieur hiérarchique sur sa manière de servir lorsque ces derniers sont fondés, ni avec des tensions interpersonnelles épisodiques entre collègues, ni avec un conflit né d’une différence d’approche d’une question d’ordre professionnel. Il doit également être distingué du stress professionnel et de la pression au travail.

Il convient de rappeler que le harcèlement moral ne présuppose pas de relation hiérarchique entre la victime et l’auteur des agissements délictueux. Les plaintes, avérées ou non, mettent en cause indifféremment des supérieurs hiérarchiques, mais également des collègues de travail ou des subordonnés.

 II - La prévention du harcèlement moral au travail

La prévention du harcèlement moral doit être intégrée dans les préoccupations des chefs de service et d’établissement, ainsi que le rappellent les programmes annuels de prévention des risques professionnels 2005-2006 pour l’enseignement scolaire et pour l’enseignement supérieur et la recherche.

La dimension préventive recouvre l’information et la formation.

A) L’information

La première mesure de prévention consiste à informer et sensibiliser l’ensemble des agents et notamment les acteurs de la gestion des ressources humaines, ainsi que les représentants des personnels, notamment dans le cadre des comités d’hygiène et de sécurité. Cette information peut porter sur les règles de déontologie et d’éthique, sur les procédures et le droit et sur les conséquences du harcèlement moral pour les victimes et les agresseurs.

Je vous invite à diffuser largement au sein de vos services ou établissements, par les moyens les plus efficaces (affichage, site intranet...) cette circulaire ainsi que les coordonnées des interlocuteurs susceptibles de recueillir, avec toutes les garanties de confidentialité nécessaires, le témoignage d’agents se considérant victimes de harcèlement moral.

B) La formation

La formation sur la thématique du harcèlement moral et, plus largement, sur les risques psychosociaux (3), doit être renforcée en direction des personnes appelées à connaître et à prendre en charge des situations de harcèlement : chefs de service, directeurs des ressources humaines, chefs d’établissement d’enseignement supérieur, responsables de ressources humaines à l’administration centrale, médecins, gestionnaires de personnel.

Des modules spécifiques de formation initiale et continue pourront notamment être mis en place à l’initiative de l’École supérieure de l’éducation nationale et des responsables de formation à l’attention des personnels d’encadrement et des gestionnaires de ressources humaines. De telles formations pourront également être proposées au sein des académies, des établissements ou de l’administration centrale.

Je vous invite à introduire ce thème dans vos divers plans et actions de formation.

 III - La prise en charge d’un cas de harcèlement moral au travail

Pour repérer, prendre en charge, traiter ou réprimer les phénomènes de harcèlement moral, il convient de recourir aux moyens et procédures précisés ci-dessous.

A) Repérer le harcèlement moral et le signaler

L’agent doit informer son supérieur hiérarchique des comportements dont il estime être victime afin d’obtenir qu’il y soit mis fin. Il saisit l’échelon hiérarchique supérieur si le harceleur présumé est son supérieur hiérarchique direct.

L’agent qui s’estime victime d’un harcèlement moral doit savoir d’une part, qu’il a tout intérêt à consigner par écrit le compte rendu précis et détaillé des faits constitutifs, à ses yeux, de harcèlement, et d’autre part, qu’il peut prendre conseil auprès des professionnels de proximité ou du médecin de prévention. Cet agent, peut, s’il le souhaite, être accompagné dans ses démarches par la personne de son choix. Cette personne peut être un représentant d’une organisation syndicale.

(3) Ce vocable recouvre les risques professionnels qui portent atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale des salariés : le stress, le harcèlement moral, les conflits de toute nature.

1 - Le médecin de prévention
Le médecin de prévention est “le conseiller de l’administration, des agents et de leurs représentants en ce qui concerne, notamment, la protection des agents contre l’ensemble des nuisances et les risques d’accidents de service ou de maladie professionnelle ou à caractère professionnel” (4).

Il appartient au médecin de prévention de proposer, en consultation, des mesures médicales adaptées.

Par ailleurs, avec l’accord de l’agent, il doit saisir l’autorité administrative compétente pour faire cesser le trouble subi par l’agent.

2 - Les professionnels de proximité
Certains professionnels de l’institution intervenant en matière d’hygiène et de sécurité (inspecteurs d’hygiène et de sécurité, agents chargés de la mise en œuvre des règles d’hygiène et de sécurité) ou en matière sociale (assistantes de service social) peuvent également être sollicités par un agent qui s’estime victime de harcèlement.

Dans cette hypothèse, ils assurent une fonction d’écoute et de conseil.
Il leur appartient, le cas échéant, d’orienter l’agent vers le médecin de prévention.

B) Le traitement des cas de harcèlement moral

L’agent qui s’estime victime de harcèlement moral peut saisir, en fonction de son lieu d’affectation, le directeur des ressources humaines de l’académie ou le président ou directeur d’établissement public d’enseignement supérieur ou le directeur de l’organisme de recherche ou le chef du service de l’action administrative et de la modernisation pour l’administration centrale, à qui il appartient de prendre en charge toute situation de harcèlement moral qui lui est signalée afin d’en établir la réalité.

C’est à lui que sont transmis les signalements des cas présumés de harcèlement. Il engage alors un temps de dialogue et d’échange avec les personnes concernées. Il conduit une enquête administrative permettant de rassembler des éléments objectifs constitutifs de preuves.

À l’issue de celle-ci, un rapport est rédigé, étayé par les témoignages, avis médicaux et autres pièces recueillies en vue d’engager des poursuites disciplinaires si le harcèlement est établi.
Par sa connaissance des personnes concernées et des difficultés qu’elles rencontrent, le directeur ou responsable des ressources humaines est en mesure de proposer toute mesure appropriée, pour faire cesser les situations de harcèlement moral avérées.

Il apprécie également la nécessité de mettre en place un suivi professionnel personnalisé, pour s’assurer que l’agent victime de harcèlement puisse poursuivre ses activités plus sereinement.
Dès lors que l’administration n’a pas pris de mesures alors que le harcèlement est établi, sa responsabilité peut être engagée (CE 24 novembre 2006 - Mme A).

Il convient enfin de rappeler que les affaires de harcèlement moral ne peuvent être réglées par la mutation de la victime. Ce moyen ne doit être utilisé qu’en ultime recours et à la demande de celle-ci.

(4) Décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié relatif à l’hygiène, à la sécurité du travail et à la prévention médicale dans la fonction publique.

 IV - La médiation et les autres recours

Plusieurs procédures sont possibles lorsque l’agent estime que ses précédentes démarches et réclamations sont restées vaines.

A) La médiation

Les réclamations et démarches d’un agent qui se considère harcelé moralement peuvent toujours être portées, dans un second temps, par celui-ci devant un médiateur académique ou le médiateur de l’éducation nationale.

B) Les recours administratifs

L’agent peut également présenter un recours administratif, gracieux ou hiérarchique. Il peut effectuer un recours administratif contre une décision ou une absence de décision qui participerait, selon lui, au harcèlement moral.

C) La saisine de la HALDE

Lorsque le harcèlement repose sur un comportement discriminatoire du fait des origines, du sexe, de la situation de famille, de l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou sur toute autre pratique discriminatoire, l’agent peut porter l’affaire par courrier motivé devant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).

D) Les recours contentieux

L’agent peut également choisir de porter l’affaire devant le tribunal administratif compétent ou devant le juge pénal (officier de police judiciaire ou procureur de la République), selon le cas. Ces procédures ne sont soumises à aucune autorisation particulière.

 VI - Les sanctions

A) Les sanctions administratives

La loi du 13 juillet 1983 permet de punir les auteurs de harcèlement, puisqu’elle dispose qu’“est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus”.

En vertu du titre I du statut général des fonctionnaires, l’autorité ayant pouvoir disciplinaire peut engager des poursuites disciplinaires contre les auteurs de telles actions.

Je vous invite également à traiter avec la plus grande vigilance les dénonciations infondées en leur donnant, le cas échéant, les suites que vous jugerez utiles.

B) Les sanctions pénales

L’article 222-33-2 du code pénal, inséré par l’article 170 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, prévoit que “le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende”.

Le législateur a mis en place des moyens pour lutter contre le harcèlement moral et sanctionner leurs auteurs.

Je souhaite qu’une véritable sensibilisation à ce phénomène se réalise à tous les niveaux, de telle sorte qu’il soit recouru à ces moyens avec discernement et que soit ainsi préservée une meilleure qualité de vie au travail.

Vous veillerez à donner à la présentation de ce dispositif la plus grande diffusion possible.

Mise à jour : 30 novembre 2014