Saint Girons, Baldine : Les Marges de la nuit. Pour une autre histoire de la peinture
Compte rendu d’Alain Panéro
Baldine Saint Girons : Les Marges de la nuit Pour une autre histoire de la peinture, Les Éditions de l’Amateur, Paris, 2006.
Compte rendu critique d’Alain Panero, professeur à Amiens.
Nous avons tous fait, à un degré ou à un autre, l’expérience de ce que l’auteur appelle, dans son nouveau livre, « les marges de la nuit ». Mais avons-nous jamais osé en parler ? Avons-nous même songé à le faire ? Expliciter ce qui demeure le plus implicite, le plus occulté, ce qui demeure encore et toujours refoulé, oublié, inaccessible à nos mémoires, tel est avant tout le projet ambitieux et postphénoménologique de Baldine Saint-Girons. Nous rendre la nuit, la mettre au jour si l’on peut dire, peut-être même rendre la nuit à elle-même, comme si l’opération d’exhibition phénoménologique devait disparaître du résultat final, à l’instar de ces nombres complexes qui, à la fin, disparaissent du calcul, tel est, plus que le but, l’effet de ce livre.
Parler des marges de la nuit, c’est d’abord évoquer la possibilité d’une désorientation plus ou moins significative. Paradoxalement perdu dans un espace familier, devenu soudain étrange, celui qui voit la nuit, ou voit de nuit, fait l’épreuve d’une inhabituelle illimitation. L’espace d’un instant, l’univers qui nous englobe et nous dépasse, paraît s’affranchir de lui-même, les choses retournant, comme par miracle, à leur indifférenciation première, comme si devait se rejouer alors, de tâtonnements en tâtonnements, la redistribution de toutes les images du monde. « [D]e nuit, la vision s’approfondit et se latéralise : d’une part, la lumière semble provenir du for intérieur des êtres et les faire rayonner au-delà de leurs limites diurnes ; d’autre part, l’espace se décloisonne et s’ouvre à l’infini » (p. 10). Qu’elle réveille l’enfance en nous ou qu’elle ébauche la possibilité d’une nouvelle vie, la nuit ne nous laisse jamais indifférents. Elle seule peut nous donner un corps plus vaste, façonner le temps autrement, ouvrir une étrange dimensionnalité de l’être. Les marges de la nuit, on devine ce que c’est.
On le pressent si bien qu’on aurait presque envie de raconter, sans plus tarder, nos propres expériences, de multiplier les récits, d’évoquer nos joies ou nos angoisses. Mais dire la nuit n’est pas facile. La nuit n’est pas seulement ce qui exclut le jour ou en est exclu. La nuit en ses marges, c’est un peu comme la mort ou le temps. Il n’est guère aisé ici de traduire sans aussitôt trahir. Ce n’est pas n’importe quel langage qui peut dire les marges de la nuit. Alors, comment faire ? Comment dire ?
En tout cas, il s’agit bien, aux yeux de l’auteur, d’exhiber un nouveau champ de l’expérience, de découvrir une terra incognita, en tout cas une région de l’être peu étudiée par des philosophes surtout habitués aux idées claires et distinctes, surtout soucieux de mettre au jour des invariants. « De nombreux modèles de la connaissance sont calqués sur la vision diurne et proposent à la suite de Descartes la clarté et la distinction comme leurs idéaux » (p. 7). Il est vrai que pour Kant, encore cartésien en ce sens, le cinabre ne saurait être tantôt noir, tantôt rouge ; cette nécessaire détermination révèle un ordre intelligible et infrangible. Le cinabre demeure rouge parce que l’ordre des synthèses de l’imagination demeure le même, indépendamment des noms de couleur qui, eux, peuvent varier. L’obscurité ne saurait donc modifier radicalement l’apparaître même des phénomènes parce qu’elle ne saurait dérégler l’imagination elle-même. Bref, aux yeux de l’auteur de la Critique de la raison pure comme aux yeux de Descartes, comme pour tant d’autres philosophes, il n’y a qu’une seule et même expérience, de nuit comme de jour.
Or, c’est bien en ce point que la perspective de Baldine Saint-Girons s’avère originale ou audacieuse. Car c’est une esthétique transcendantale différentielle que l’auteur nous propose dans Les Marges de la nuit. S’il s’agit bien d’un manifeste pour une autre histoire de la peinture, comme l’indique, à juste titre, le sous-titre de l’ouvrage, il s’agit aussi et surtout, de proposer ici une nouvelle approche philosophique de l’être même, de repenser l’émergence ou l’événement de l’être à partir d’un nouveau site désigné comme « les marges de la nuit ». Il ne s’agit donc pas seulement de délimiter de nouvelles catégorisations dans le champ d’une histoire de l’art mais de repenser, à partir d’un tel site, la déduction ou la genèse idéale des tonalités mouvantes qui structurent, composent et conditionnent pendant un certain temps notre être-au-monde, en tenant désormais mieux compte du donné lui-même, d’un donné en quelque sorte élargi, rendu à lui-même, ressaisi jusque dans ses marges. L’oubli de la nuit, d’une certaine nuit, du « clair-obscur de la nuit » (autre titre possible du livre précise l’auteur, p. 10) nous a paradoxalement privé de l’originaire au profit du seul commencement et recommencement chronologiques du jour et de la nuit. Le retour aux choses mêmes ne saurait ainsi valoir que s’il est une réouverture des choses mêmes de la nuit, une façon de fracasser leur noyau dans la nuit afin de libérer l’élément hypétral qui leur redonne leur infinité : « Ne cessant de se déplacer entre les extrêmes du ciel et des enfers, du perceptible et de l’imperceptible, la nuit calme et inquiète tour à tour la subjectivité qu’elle dépossède de son initiative. Et elle met en cause toute phénoménologie qui croirait à un retour possible à des choses unes et identiques » (p. 18). Travailler dans les marges ou à partir des marges de l’être, d’un être qui devient nuit ou vient de la nuit, c’est alors écrire une autre histoire de l’être, qui, de surcroît, se trouve être une histoire de la peinture.
Partir du donné même, d’un donné dont le matériau noctal n’a pas été d’emblée refoulé ou exclu, c’est alors repenser entièrement la façon de tenir dans l’ombre ce donné. On songe ici à Bergson, à l’énigmatique premier chapitre de Matière et Mémoire, qui pointe un lieu inhabituel, vide de tout regard humain et néanmoins visible, empreint d’une luminosité inimaginable, champ sans horizon d’une donation d’images sans donateur, images spectrales passant les unes dans les autres, avant que ne s’effectuent imaginairement les premières délimitations humaines, trop humaines.
Retrouver la nuit, c’est retrouver le donné perdu, d’avant toute perte, d’avant tout échange, le don sans donataire. Et qui dit donné renouvelé dit limitations renouvelées du donné. L’ombre ne sera plus la même ombre. Le virtuel ne sera plus le même virtuel. La nuit ne sera plus la même nuit : « Ne devons-nous pas invectiver cette nuit qui nous prive de la vraie nuit, de la Nuit immense et unique, ouvrant mystérieusement l’espace par un mouvement qui précède toute reconnaissance et toute nomination ? » (p. 42).
Au nouveau point de départ font écho de nouvelles conséquences. Aussi convient-il de ne pas s’étonner de retrouver de chapitre en chapitre, et ce, depuis l’introduction remarquablement maîtrisée, un même souci de cohérence, qui évoque le modèle, ou plutôt le paysage husserlien d’une phénoménologie conçue non pas, stricto sensu, comme « science rigoureuse » mais comme libre activité de l’esprit. Une telle rigueur, qui est en même temps une vigueur créatrice (« je cherche à développer une philosophie en acte, une philosophie artiste », p. 9), surprendra peut-être le lecteur qui attendrait ici de simples associations d’idées ou d’images, des divagations sur la nuit ou des commentaires plus ou moins lyriques des toiles reproduites dans le livre. Certes, il convient de ne pas exagérer cette impression d’extrême organisation. Il ne s’agit jamais, aux yeux de l’auteur, de faire un système ni une esthétique transcendantale au sens où l’entendait Kant. Il s’agit plutôt d’opérer certains déplacements qui sont autant de nouvelles délimitations, parfois insensibles, du donné. Car il s’agit de libérer l’espace lui-même, de le délivrer des chaînes de la scientificité cartésienne, de vibrer de nouveau au rythme d’une continuité oubliée, d’éprouver la douce temporalité d’une différance qui est l’espacement même des couleurs la nuit. Cette progressivité quasi pédagogique de la différenciation, cet antidogmatisme qui est également un antipédantisme, rend alors - et ce n’est pas le moindre des paradoxes - le livre accessible à un large public. Mieux : le lecteur s’instruit sans même s’en rendre compte (cf. le paragraphe « De la skiagraphie comme ombrécriture », p. 55-57), comme si, à l’instar d’un Ménon ou d’un prisonnier de la caverne qui ne serait plus tout à fait platonicien, il retrouvait en son for intérieur la palette immémoriale des ombres et des couleurs qui a présidé, sinon à la genèse ou à la gravure du monde sensible, du moins à son esquisse durant la nuit d’avant le premier jour. Baldine Saint-Girons réussit ainsi à faire s’entrechoquer librement des signifiants, en appelant en apparence au seul jugement réfléchissant du lecteur (c’est-à-dire à sa sensibilité, à son goût), tandis qu’elle distille la plus implacable érudition dans l’ordre du signifié (cf., par exemple, « Données de la physiologie : la vision marginale », p. 25-26) . Quel est le secret d’une telle synthèse ? Quels en sont les ressorts cachés ? Disons que l’auteur, de chapitre en chapitre, parfois de paragraphe en paragraphe, pointe des convergences, dessine des « lignes de faits » comme disait Bergson. Ce jeu sérieux des concepts et des images, ce battement du signifiant et du signifié, cette rencontre de l’Art et de la Philosophie finissent par tramer une nécessité qui s’impose à nous, avec, en filigrane, ou en négatif, la persistance d’une contingence injustifiable. En outre, un art consommé de la mise en abyme renforce ce maillage de hasard et de nécessité, ce clair-obscur du signifié/signifiant puisque c’est la même contingence, celle d’une nuit inaugurale, qui hante encore les toiles géniales et nécessaires dont Baldine Saint-Girons nous parle (celles d’un Michelangelo Merisi, dit le Caravage, d’un Georges de La Tour ou encore d’un Francisco de Goya). « Notre problème sera de comprendre la présence et l’utilisation de la nuit hors de la nuit : qu’est-ce qui de la nuit reste la nuit dans une image nocturne et dans un tableau ? » (p. 21). Ce qui fait que le langage pictural s’impose naturellement comme le langage requis, comme le langage de la plus grande portée, non pas certes le dire de l’être lui-même, ce qui serait sous-estimer un peu vite la part de subjectivité ou de particularité dont toute œuvre est porteuse, mais quelque chose qui, encore plein de nuit, serait comme la trace d’un retrait de l’être, mais d’un retrait moins massif que celui dont on parle habituellement. « Peindre alors, ce n’est plus dégager l’essence d’un quelconque visible, mais élever à l’apparition iconique ce qui reste tacite et secret au cœur même de la nuit » (p. 43).
Tout se passe alors comme si l’émergence ou le retrait de l’être venait tout juste d’avoir lieu, qu’il était encore présent mais déjà inassimilable à toute présence, soit que notre vision, de trop le voir, le dissimule dans l’éclat du jour et de l’étantité, soit que des ténèbres plus profondes que le clair-obscur de la nuit le dissimulent secrètement. « En tenant la gageure qui consiste à s’aventurer jusqu’au bord des ténèbres et à étendre ses marges, la peinture manifeste son essence : rendre sensible le mouvement du visible à l’état naissant, son exhaussement » (p. 84). Tout se passe comme si la peinture de la nuit était en quelque sorte la rémanence inattendue, la trace étonnamment « fraîche » ou la résonance de l’être même, d’un absolu marginal, encore proche et pourtant lointain. Trace d’un événement sans doute sublime mais qui, s’il n’y avait le peintre pour le « fixer » ou plutôt, le graver, disparaîtrait à jamais dans les limbes de la subjectivité de celui qui désire le sublime mais ne sait ni le retenir ni le recueillir.
Reste toutefois une question : n’y a-t-il pas dans l’ouvrage de Baldine Saint-Girons encore autre chose, autre chose qu’une histoire de la peinture, autre chose qu’une histoire de l’être lui-même ? N’y a-t-il pas aussi ce que l’on pourrait appeler un certain goût de la nuit ?
« Devenir la nuit », écrit l’auteur. Qu’est-ce que cela veut dire ? En un point où l’idée même d’une imagination pure et prototypale apparaît passagère, comment puiser continûment à la source mouvante de nos puissances imaginatives sans éprouver aussitôt le vertige d’une indifférenciation radicale ou d’une néantisation de toutes les déterminations possibles et imaginables ? Comment ne pas s’imaginer alors " être " un esprit libre, pure position de soi, sans déterminations, inclassable parmi les êtres et les choses, incommensurable avec l’esprit fort qui, lui, demeure déterminé par ce qu’il nie et croit naïvement exclure de sa nature. « "Ah ! fussé-je nuit ! " tel est le vœu que nous nous mettons à formuler avec le Zarathoustra de Nietzsche » (p. 171). Comment ne pas éprouver la fascination du vide quand « la nuit s’installe au cœur de la subjectivité imaginatrice, qui lance dans son espace des regards, dont elle se reconnaît l’origine et la fabrique » (p. 43) ? Déconstruire une histoire de la peinture qui ne serait que la répétition de la même histoire, celle qui ne reconnaît d’effacements que superficiels, ne nous conduit-il pas à vouloir une autre histoire, hors de l’histoire, celle d’un effacement sans retour ou d’une apocalypse conçue comme une invisibilisation irréversible ?
Ce serait un contresens de soupçonner ici quelque négativité ou nihilisme sommeillant. Goût du néant, vertige, cela demeure trop général, trop formel. Ce ne sont que des mots, à peine des idées. Or, ce qu’il convient d’examiner, ou plutôt de scruter, dans « les marges de la nuit », ce sont surtout des pratiques singulières (par exemple, « les jeux de l’encre et du burin » p. 62 ou encore la photographie), des ambiances inimitables, des approches ambiguës ; ce qui réfrène les généralisations hâtives.
Il ne s’agit pas de refaire le monde ou l’Histoire. Il s’agit plutôt de tracer patiemment un chemin philosophique. Devenir la nuit (devenir, ce n’est pas être, ce n’est pas un état de fait), c’est avant tout prendre et assumer une décision, celle de vivre ce qu’on dit et de dire ce qu’on vit ; c’est préférer, sans ressentiment, rester en marge du langage démotique ou convenu.
Trop de discours bien rodés neutralisent les pouvoirs de la nuit, la figent, effectuent en quelque sorte un « arrêt sur image ». L’expérience de la nuit et de ses marges n’est plus dès lors qu’un phénomène, une réalité pour nous. De là le risque d’un enclos transcendantal de la nuit. La nuit devient autre chose qu’elle-même, quelque chose de la sensibilité humaine en général, quelque chose d’universel, c’est-à-dire d’une totalité sans marges. Ou alors, si marges il y a, elles ne sont qu’un autre mot pour désigner l’Inconnaissable, c’est-à-dire la nuit massive, sans couleurs.
Trop de langages bien codés risquent aussi de nous faire indéfiniment tourner en rond, de nous faire prendre l’immobilité pour la mobilité. De là le risque d’un enclos herméneutique, voire sophistique, de la nuit. La nuit devient a priori le pur signifiant, le Dieu caché, l’Autre, le Noumène, c’est-à-dire le même Inconnaissable toujours pointé précipitamment par trop de philosophes et de poètes. Or, il ne s’agit pas de réintroduire « par la bande » l’éternelle scolastique ou métaphysique de la toute-puissance. S’il s’agit bel et bien de recouvrir certaines idoles d’un crépuscule susceptible de les rendre à elles-mêmes, de les immerger dans le bain noctal qui leur rendrait idéalement leur éclat auroral et vivifierait réellement notre sens de la nouveauté et de l’inattendu, il ne s’agit pourtant pas de forger une énième dialectique néoplatonicienne, comme si la perspective du plus grand effacement ouvrait ipso facto celle de la plus riche donation, que c’était là la seule histoire, ou plutôt, la seule destinée possible, quasi automatique, écrite de toute éternité.
Contre le double risque ou la double tentation d’en finir avec la nuit, de l’abandonner à elle-même, ou, au contraire de l’arraisonner une fois pour toutes, Baldine Saint-Girons instille dans son livre un contrepoison qui est l’investigation effective des marges. Elle effectue déjà, à travers l’écriture d’une autre histoire de la peinture, le nouveau partage qu’elle appelle de ses vœux. L’auteur développe, sous nos yeux qui sont aussi les yeux de l’esprit, les axiomes posés dès l’introduction (Axiome I : la nuit ne fait pas de nous des aveugles ; axiome II : la nuit n’est pas l’inverse contradictoire du jour ; axiome III : la nuit intensifie les résonances ; axiome IV : une autre histoire de la peinture est possible à partir de la nuit ; axiome V : la nuit nous rend spontanément métaphysiciens). Devenir la nuit, c’est, pour tout artiste ou tout philosophe, « peindre la nuit » (p. 83) et « peindre avec la nuit » (p. 137), c’est-à-dire s’abandonner au même élan créateur qui sourd d’un centre qui est périphérie, quitte à ressaisir ensuite et à communiquer, dans le cadre d’une œuvre d’art mais aussi d’une argumentation claire et distincte ou d’un récit, ce qui autrement serait resté de l’ordre du soliloque. Devenir la nuit, c’est, pour un sujet, dépasser le saisissement et le dessaisissement occasionnés par l’expérience du sublime en la recueillant et en la gravant, au moyen de l’Art et de la Philosophie, pour la transmettre à d’autres sujets à venir. « Entre mots et choses, nous pouvons cependant nous représenter à nous-mêmes un certain type de vision émue ou d’émotion visuelle, en témoigner à autrui et lui faire acquérir un certain degré d’universalité. Ainsi constatons-nous une fois de plus combien les pouvoirs des signifiants s’entrelacent à ceux des choses : sans images ni discours, que serait l’expérience perceptive et émotionnelle de la nuit ? Elle risquerait de ne pas se développer, d’engendrer l’oubli ou bien d’être dévalorisée » (p. 47). Devenir la nuit, c’est aussi faire silence pour entendre ce qui vient dans la nuit, simple écho, réponse ou appel. « Notre désir ne va pas à la syncope du présent, obtenue grâce à une métamorphose actuelle et immédiate, mais se dirige vers l’avenir à partir d’un temps immémorial, qui n’est pas révolu, mais qui dure toujours, et qui nous porte, gros de tous les possibles : un temps dont nous sentons qu’il nous engage, individuellement et collectivement, et qu’il est le plus difficile à assumer » (p. 171).
Souhaitons, en tout cas, que « devenir la nuit » n’apparaisse pas, aux yeux du lecteur, comme un simple slogan romantique ou nihiliste mais comme l’antidote susceptible de préserver d’abord l’art contemporain et la philosophie actuelle de la surexposition médiatique qui les rend aujourd’hui invisibles, et aussi de préserver plus largement l’Art et la Philosophie de tout effacement qui les priverait, au nom de telle ou telle idéologie, de leur autonomie.