samedi, 7 avril 2012
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Compte rendu d’Arnaud Desjardin.
François Dagognet, Les Grands philosophes et leur philosophie. Une histoire mouvementée et belliqueuse, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2002.
Compte rendu d’Arnaud Desjardin,
professeur au lycée Condorcet de Saint-Quentin.
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La quatrième de couverture du livre de François Dagognet annonce un texte qui "s’adresse à tous ceux qui veulent s’initier à la philosophie". Pourtant, au-delà des dehors de l’ouvrage de vulgarisation (ce que le livre demeure : à quelques passages près, peut-être, le lecteur débutant est le bienvenu), François Dagognet propose en fait une approche très particulière de l’histoire de la philosophie, accompagnée d’une réflexion parfois acerbe sur les démarches habituelles de cette discipline.
D’emblée, l’auteur ne cache pas ses réticences à l’égard de l’histoire de la philosophie telle qu’elle est couramment pratiquée : "Nous ne cachons pas nos réserves à l’égard de cette discipline qu’est l’histoire de la philosophie" (p.8). F. Dagognet en isole les risques et les travers habituels : le relativisme historiciste, la tentation d’"insulariser" les œuvres, et surtout le souci de "moderniser" à tout prix une pensée ancienne : "Méfions-nous encore plus de l’histoire qui s’emploie à rajeunir les philosophies et à apercevoir les esquisses de l’actuel dans une ancienneté qui serait de ce fait même renouvelée et modernisée. Une telle lecture ne peut que tromper : elle ne nous donne ni le présent, ni le passé." (p.10). Contre le projet de l’exhaustivité, contre le souci de la précision ultime, Dagognet opte ouvertement pour une histoire de la philosophie épurée, qui ne retient que les principaux moments et les ruptures essentielles : "Je refuse justement la complétude qui asphyxie, désireux de ne retenir que l’essentiel ou les lignes maîtresses" (p. 199). On l’aura donc compris : alors que le titre nous annonce une présentation de l’histoire de la philosophie accessible au néophyte (ce qui, encore une fois, reste souvent vrai), l’ambition de l’ouvrage ne s’arrête pas là : on lit bien, dans le même temps, un essai sur la méthode et la pertinence de l’histoire de la philosophie, et la conclusion a même, il faut bien le dire, des accents volontiers polémiques. Le corps du texte n’est alors que la mise en application des principes "épistémologiques" d’historiographie de la philosophie énoncés dans l’introduction et la conclusion de l’ouvrage.
Pour mener à bien son projet, François Dagognet propose un découpage de l’histoire de la philosophie en trois périodes distinctes : les antiques (Platon, Aristote, les Stoïciens, les Epicuriens), les classiques (de Descartes à Kant), les contemporains (de Hegel à Sartre). Le découpage proposé, somme toute assez convenu, attire toutefois l’attention par son caractère hermétique : "Les trois périodes que nous avons isolées se séparent nettement et, à la limite, s’ignorent les unes les autres. A chaque fois, nous changeons d’horizon" (p.7) ; ou encore : "Nous avons découpé la métaphysique en trois moments indépendants dont l’étanchéité est assurée : il n’est pas possible de comparer les philosophies d’une période avec celle des deux autres ou encore de discerner la venue des unes à travers les autres." (p.10). Le cloisonnement radical de ces trois grandes périodes est, à n’en pas douter, l’une des positions les plus délicates de l’ouvrage. Un seul argument justifie cette tripartition : on peut montrer que chacune des séquences possède une cohérence forte et obéit, au fond, à une unité qu’il appartient de reconstruire. Conformément à ce qui a été plus haut, cela ne peut être fait que lorsque l’attention au détail des doctrines n’occulte pas les évolutions plus nettes, qu’il s’agit justement de mettre en évidence. F. Dagognet propose un second principe de lecture de l’histoire de la philosophie, lié au précédent. Pour lui, il faut en effet lire chaque philosophie comme une entreprise visant à renverser les doctrines antérieures : "Pour le philosophe, l’essentiel consiste à se séparer de ses devanciers et surtout à les dépasser" (p.8), ou encore : "le souci de celui qui arrive sur la scène consiste à éliminer ses concurrents, ceux qui l’ont précédé" (p.8). Dès lors, l’histoire des doctrines philosophiques "ne prend sens que dans l’adversité et le combat" (p.9). Chaque grande période retenue (au moins pour ce qui concerne les deux premières, la période contemporaine étant plus complexe) peut donc être présentée selon la structure suivante : une "secousse initiale" (une doctrine fondatrice) constitue le point de départ d’une longue reprise critique allant jusqu’à son retournement ou à une tentative de synthèse avec son opposé. L’ensemble de la séquence ainsi décrite définit alors les bornes d’un ensemble clos sur lui-même.
Il faut illustrer concrètement ce point, d’abord avec la première période retenue : la philosophie antique. Pour Dagognet, "la première tempête philosophique débute avec le platonisme qui a tenu à isoler l’idée et donc à la séparer du sensible, inconsistant parce que inconstant." (p.13). On ne s’étonnera donc pas du fait (quelque peu frustrant) que la première partie de l’ouvrage fasse volontairement l’impasse sur le moment présocratique ("Je laisse de côté les Présocratiques", [p.19]). Les références faites à l’œuvre de Platon, très classiques (République, II, 514 a ; Ménon 86 a-b ; République, X, 597 b-d...) insistent sur la séparation radicale de l’intelligible et du sensible. En effet, il va s’agir de montrer ensuite que toute la philosophie grecque postérieure au platonisme déploie un arsenal conceptuel (centré sur la notion de phusis) qui s’applique à réduire cette séparation : "La philosophie grecque [après Platon] ne cesse de renoncer au transcendant et de résoudre ce qui a été désuni." (p. 13). A ce titre, une place de choix revient à Aristote, que Dagognet présente avec insistance (jusqu’à forcer le trait) sous l’angle d’un antiplatonisme radical : "Nous n’insisterons jamais assez sur l’antiplatonisme de la philosophie et de la science aristotéliciennes." (p.41). Dagognet insiste notamment sur la conception hylèmorphique du réel propre à Aristote, vue à juste titre comme une réponse à la séparation du matériel et de l’idée : désormais, matière et forme sont vues comme liées au sein d’une même réalité. Il n’est pas étonnant, d’ailleurs, que F. Dagognet cite en premier lieu le texte de Métaphysique A (991 a), qui est une critique sévère des idées platoniciennes et de la théorie de la participation. Dagognet rappelle cependant la survivance, chez Aristote, d’un schéma dualiste, retour d’une distinction quasi platonicienne, dans le thème d’une réalité supralunaire qui échappe à la génération et à la corruption, et dans laquelle règne une nécessité stricte. Le matérialisme stoïcien confirme cette volonté de mettre fin au dualisme platonicien et accomplit un pas supplémentaire dans ce sens. L’épicurisme, enfin, achève le mouvement, puisque tant son sensualisme en matière cognitive que son hédonisme en matière éthique sont une réhabilitation du sensible et du matériel, à tel point d’ailleurs que le spirituel est écarté du champ philosophique, puisque tout est matière. Ainsi, la philosophie grecque antique s’achève par le retournement complet de son moment fondateur : "nous sommes entrés dans l’inversion même du platonisme premier" (p.79). Reste qu’il faut revenir sur ce qui fait l’unité d’une séquence dont on vient de dire qu’elle était caractérisée par un renversement complet. Dagognet identifie cette unité dans un intérêt graduel de la philosophie de cette séquence pour la notion de nature, d’ailleurs inauguré par Platon lui-même (le Platon tardif du Timée, notamment) : "Ces philosophies méritent cependant d’être rapprochées, parce qu’elles se sont toutes attachées, sous des modes différents, à un thème commun : le respect de la nature. Chacun le conçoit pour Aristote, les stoïciens et les épicuriens puisque, pour eux, l’intelligible perd de son importance et que la matière se met à compter de plus en plus (le Cosmos). Platon lui-même finit par céder : dans le Timée, le philosophe semble s’écarter d’une spiritualité sans matière comme d’une matérialité sans spiritualité" (p.79-80). Et quelques lignes plus loin : "Courant le risque de la caricature, nous ramenons donc les philosophies de l’Antiquité non seulement à une guerre sans merci (...), mais surtout à une théorie qui cherche à recoudre ce qui a été déchiré, à réconcilier l’idée et le sensible qui ont été séparés. La nature justement redéfinit le lien : le mot indique un dépassement de la simple matière et l’entrée en elle de ce qui l’anime." (p.80).
Si la philosophie antique est une guerre qui prend fin avec le renversement du moment initial, on comprend alors que la question du passage à l’époque moderne, stricto sensu, ne se pose pas. Il n’y a pas de continuité à rechercher. Il y a à mettre en évidence une rupture radicale, et à montrer que "le cartésianisme -seconde secousse- recommence le drame sur une autre base." (p.13). La question de la rupture avec le moment antique est rapidement résolue, autour de deux idées centrales : d’une part, le rapport de l’homme à la nature (qui n’est désormais plus pensé sur le mode de la soumission, mais sur celui d’une domination possible : c’est le fameux "comme maîtres et possesseurs de la nature" de la sixième partie du Discours de la méthode) ; d’autre part, la métamorphose de la philosophie en une science rigoureuse : "Jusqu’alors, analyses, références, suggestions, arguments l’emportaient. Désormais, la démonstration va fonctionner. Nous sommes mis en présence de quasi-théorèmes" (p.81 ; Dagognet renvoie bien sûr à l’Ethique de Spinoza rédigée more geometrico, mais aussi aux Réponses aux secondes objections, dans lesquelles Descartes adopte déjà l’ordre logico-géométrique). En fait, il importe de voir la similitude de structure des deux séquences : là encore, un moment fondateur (le cartésianisme) appelle son renversement (schématiquement : l’empirisme), avec ici une tentative de synthèse (kantienne). Dagognet va encore plus loin dans l’identification structurelle des deux premiers moments de l’histoire de la philosophie. Là encore, il va s’agir de remettre en cause un dualisme, cette fois-ci entre le pouvoir de connaître de l’esprit et l’extériorité, ou entre le moi et le non-moi, pour reprendre le vocabulaire du Fichte des Principes de la Doctrine de la science (on notera au passage que Fichte est oublié par Dagognet, de même que l’ensemble de l’idéalisme allemand pré-hégélien ; leur apport était pourtant non négligeable dans la recherche d’un dépassement de ce nouveau dualisme). "Au lieu de situer l’idée en dehors ou au-dessus de notre monde, [Descartes] s’emploie à assurer la souveraineté du cogito, qui contient en lui les linéaments de notre univers. C’est l’idéalisme réflexif. Il suffit, pour le connaître, de rentrer en soi et de bien penser. Ici encore, les successeurs de Descartes critiqueront ce dualisme. Ils restitueront à l’univers des forces et une structure telle qu’il dépasse ce que la pensée en déduisait." (p.13). Spinoza ("le plus anticartésien des cartésiens", p.96) occupe bien sûr une place de choix dans la critique du cartésianisme, puisqu’il est celui qui opère la réunification de ce que Descartes a séparé : "Descartes, au nom des idées claires, et surtout distinctes, a tout séparé : Dieu et l’univers, la pensée et l’étendue, l’âme et le corps. Spinoza se devait de tout unir : Dieu et la Nature, la pensée et l’étendue, l’individu et la Cité" (p.111). L’empirisme de Locke puis Hume, le sensualisme de Condillac renversent quant à eux totalement l’innéisme cartésien. Et c’est bien sûr à Kant que revient de poser le problème d’une conciliation des deux doctrines : se demander si l’on peut "concilier les deux, c’est-à-dire l’extrême nécessité et la nouveauté, l’a priori (le logique) et le synthétique (ce qui ajoute) (...) revient à se demander si nous pourrons conserver à la fois l’essentiel de la philosophie de Descartes et celle de Hume." (p. 122-123). Dagognet interprète la solution kantienne comme un échec : si les choses qui sont hors de nous ne nous sont connues qu’à travers les formes que leur impose notre pouvoir de connaître, alors il faut bien reconnaître le noumène inaccessible. Dagognet n’hésite pas à dire que "le kantisme révolutionnaire a échappé à une impasse (le rationalisme et l’empirisme qui s’opposent) pour entrer et se perdre dans le "sans issue"." (p.124). Dès lors, "Kant eut beau transcendantaliser le sujet (le Je ou le cogito), il en demeurait le prisonnier" (p. 133). L’interprétation proposée par Dagognet est sévère puisque, comme chacun sait, la raison postmétaphysique devient essentiellement raison pratique, et trouve un champ d’application légitime dans la morale. Un tel déplacement aurait sans doute mérité d’être thématisé, ce qui aurait permis une évaluation plus nuancée du moment kantien. On peut aussi considérer à bon droit le recentrement de la raison sur les questions pratiques comme l’inverse d’un échec théorique...
Hegel et Marx inaugurent, pour Dagognet, la période contemporaine. Une place de choix leur est accordée : "Si le lecteur veut bien accepter nos découpages, il verra en Hegel et Marx ceux qui ont rétabli l’unité perdue. La dialectique réussit à coupler le rationnel et le réel, à les engendrer l’un et l’autre ou, plutôt, l’un par l’autre." (p.15). De prime abord, on ne comprend pas bien pourquoi Hegel et Marx sont présentés comme les premiers contemporains, alors que Dagognet les présente d’abord comme ceux qui, à l’aide de la démarche dialectique, dépassent réellement l’opposition du réel et du rationnel : pourquoi, dans ce cas, ne pas faire d’eux les derniers des "classiques" ? D’autre part, l’étanchéité tant affirmée entre les grandes périodes ne tend-elle pas à être battue en brèche ? Dagognet répond à cette double question à propos de Hegel en particulier : Hegel ne met pas fin au problème de la philosophie moderne, mais réunifie tous les systèmes philosophiques, propose "le système des systèmes" : "Hegel (...) ne cherche plus à critiquer ou à améliorer la construction antécédente : il assume l’ensemble de la philosophie. A l’aide de sa dialectique, il réunifie tous les systèmes jusqu’alors séparés ou, du moins, distincts." (p.134). Force est de constater, dès lors, que l’hypothèse de lecture adoptée au départ ne convient plus : Hegel ne remet plus en cause un prédécesseur ; sa lecture coiffe l’ensemble de l’histoire de la philosophie. Dagognet s’empresse cependant de retenir une exception notable : Marx, avec qui nous assistons au retour "des procédures anciennes", puisqu’il s’agit avec lui de réaménager une doctrine antécédente jugée bancale, plus précisément : de remettre sur ses pieds la dialectique hégélienne qui avance la tête en bas. Reste que, pour la suite de la période, Dagognet n’hésite pas à écrire que "les philosophies contemporaines -largement séparées et distinctes tant par leur méthode que par leur domaine- ne dépendent plus vraiment les unes des autres" (p.155). On aborde donc successivement Nietzsche ("le plus inclassable de tous, Nietzsche lui-même", p.157), Comte, Bergson, Bachelard, Heidegger et enfin Sartre sans que puisse être dégagé un fil directeur précis qui unirait cette séquence. La question de l’unité de ces doctrines contemporaines est toutefois reprise en conclusion.
François Dagognet conclut son ouvrage en prévenant un certain nombre d’objections qui pourront lui être faites. Il désamorce d’abord le reproche de la "superficialité" (autrement dit : celui d’une présentation caricaturale des auteurs) en renvoyant à la célèbre formule de Bergson : "un philosophe digne de ce nom n’a jamais dit qu’une seule chose, encore a-t-il plutôt cherché à la dire qu’il ne l’a dite véritablement" (La pensée et le mouvant, Pléiade, p. 1350). Dagognet se fait même accusateur : "l’historien de la philosophie qui s’enferme dans l’érudition ne mérite d’être reconnu ni comme historien, ni comme philosophe." (p. 192). Le second reproche possible envisagé par l’auteur est celui de la sélection et de la hiérarchisation des philosophes. Que d’absents, en effet, dans l’histoire de la philosophie proposée par Dagognet : le néo-platonisme, les médiévaux, Malebranche, Fichte, Schelling, Husserl, l’empirisme logique... sont totalement passés sous silence. Mais Dagognet revendique explicitement ce choix : il s’agit de ne retenir que "l’essentiel ou les lignes maîtresses". L’exhaustivité "asphyxie", l’érudition tue l’intelligibilité des rapports entre les doctrines. Quant à la hiérarchisation des philosophies, Kant lui-même ne dresse-t-il pas dans la Critique de la raison pure (Méthodologie transcendantale, Histoire de la raison pure) un tableau des révolutions philosophiques, au somment duquel il se situe d’ailleurs lui-même ?
Notre principale réserve tient au caractère "hermétique" de la périodisation : le fait que les séquences retenues témoignent d’une unité, même reconstruite de façon convaincante, n’implique pas pour autant que certains problèmes ne traversent pas les époques. Or, en adoptant une telle hypothèse de lecture, on court évidemment le risque d’occulter ces problèmes. D’autre part, force est de constater que la démonstration de l’unité des séquences n’a pas la même force selon la période envisagée : convaincante pour la période antique, recevable pour la période moderne, la démonstration devient délicate voire impossible pour la période contemporaine, ce que Dagognet lui-même reconnaît explicitement. Sa conclusion se termine d’ailleurs par un essai d’unification de la période contemporaine : qu’est-ce qui, au fond, permet de regrouper des doctrines aussi dissemblables que celle de Marx et celle de Heidegger ? Dagognet propose trois axes de réponse : toutes ces philosophies ont lutté contre un certain scientisme ambiant et ont mis en garde contre la technique (p.201) ; toutes, par ailleurs, "se détournent en partie du présent et entendent travailler à un avenir qui devrait éviter les échecs propres au monde que nous connaissons" (p.202) ; enfin, sur un plan cette fois plus formel, toutes ces philosophies contemporaines relèvent de l’"asystématicité", autrement dit : elles ne peuvent plus se présenter sous la forme de ces "cathédrales de la pensée" (ou de ces "grands récits totalisants", aurait dit J.-F Lyotard) dont Hegel et Marx ont livré les dernières versions. Il resterait bien sûr à savoir si, au bout du compte, ces orientations suffisent à opérer l’unification de cette dernière période. Dagognet ajoute une dernière dimension intéressante : la philosophie contemporaine est aussi celle qui ne rejette plus l’idée d’une coopération avec les disciplines qui l’entourent : la psychologie, la linguistique, l’économie, l’esthétique..., et qui donc dépasse le splendide isolement théorique dont la philosophie a parfois témoigné au cours de son histoire.
On ne cherchera donc pas dans l’ouvrage de Dagognet ce qui, par choix délibéré de l’auteur, ne s’y trouve pas : souci de l’exhaustivité, goût pour l’érudition, recherche de la nuance... Pour tout dire, on ne fera aucune découverte dans la présentation des doctrines qui est ici proposée. Il n’en reste pas moins que la lecture de ce petit livre est finalement très stimulante, car elle constitue au fond l’occasion idéale de se confronter à sa propre représentation de l’histoire de la philosophie. L’ouvrage ne vise pas le consensus, loin s’en faut. Le pari de Dagognet n’est pas là : il est de susciter, chez le lecteur, une représentation unifiée de l’histoire de la philosophie et de ses lignes maîtresses. Autrement dit, il s’agit, comme il se doit, de susciter une représentation de l’histoire de la philosophie qui ne substitue pas à la pensée, mais qui au contraire la stimule et la suscite. Dès lors, jusque dans ses aspects contestables (et peut-être même : surtout dans ces aspects), l’ouvrage est assez réussi.