Philosophie

Bimbenet, Étienne : La Structure du comportement

samedi, 7 avril 2012

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Compte rendu de Laurent Fedi.

Étienne Bimbenet : La Structure du comportement, « L’ordre humain » (ch.III, 3), Merleau-Ponty, (Ellipses éditions, collection Philo-textes, texte et commentaire, mars 2000, 64 pages).

Compte rendu de Laurent Fedi.

Dans La Structure du comportement, de 1942, Merleau-Ponty, prenant congé de la pensée causale, envisage le rapport de la conscience à la nature à partir des notions de « forme » et de « signification ». Tournant le dos aux abstractions de l’intellectualisme critique et aux présupposés empiristes de la psychologie expérimentale, il s’engage dès ce premier livre dans la voie phénoménologique d’une méthode descriptive, attentive à l’« ambiguïté » du phénomène humain. Étienne Bimbenet montre que cette entreprise, caractéristique du retour au « concret » des années 30, débouche sur une forme de pensée anthropologique où la totalisation du sens de l’expérience est saisie à partir de « l’entrelacement » de la conscience et de l’agir, et de la corrélation « dialectique » qui unit l’organisme à son milieu. Selon E.B., cette restitution de la conscience dans une « continuité naturelle » correspond à une démarche originale, qui ne rompt pas complètement avec l’investigation critique, puisqu’il s’agit, dans ce dispositif théorique, d’ « inscrire une certaine vérité du naturalisme au sein de la philosophie transcendantale » (p. 27). Merleau-Ponty reformule et modifie certains concepts kantiens : il existe selon lui des « a priori matériels » où la conscience, explique E.B., « s’avoue solidaire des différents contextes perceptifs dans lesquelles elle s’engage » (p. 42) et des « attitudes catégoriales » qui font que, pour l’homme, une même chose, par exemple un outil, peut se donner comme invariante à travers des fonctions différentes. Une telle approche fait songer tantôt à Scheler, tantôt à Cassirer, et E.B. établit ces rapprochements avec une grande pertinence, tout comme lorsqu’il étudie les sources gestaltistes de la notion de « forme » ou encore l’influence, selon nous capitale, de Kurt Goldstein.

Publié dans une collection à finalité parascolaire, le présent ouvrage rassemble dans un petit format, texte, présentation, commentaire, lexique et bibliographie, et fournit une vision du premier Merleau-Ponty précise en même temps que synthétique. De plus, E.B. laisse entrevoir l’évolution de cette pensée en rappelant que « Merleau-Ponty abandonnera bien vite les présupposés fortement téléologiques d’une telle ontologie, qui voit la nature dans son ensemble s’accomplir sous la forme suprême de l’esprit humain » (p. 56). Enfin, certaines indications attirent l’attention sur des thèmes trop méconnus : par exemple, l’intérêt de Merleau-Ponty pour la psychologie de l’enfant se trouve rapporté à une théorie générale sur la vérité qui se manifeste dans « l’expérience des commencements ».

Toutefois, certaines questions restent ouvertes, comme par exemple celle de savoir ce que devient le « sujet » dans cette remise à jour du problème cartésien de l’union de l’âme et du corps, question qui, d’ailleurs, se poserait de même à propos de Bergson. On peut également se demander si l’attention de Merleau-Ponty à la « signification » du comportement ouvrait la voie à une herméneutique. Ces lacunes tiennent sans doute au parti pris de la collection : la proximité à l’égard du texte, d’un usage commode pour l’exercice d’explication auquel elle prépare, est un peu embarrassante si l’on veut aborder une problématique transversale.