vendredi, 23 décembre 2011
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Tous les sujets de philosophie des concours session 2009.
Pas de CAPES interne de philosophie session 2009.
27 & 28 janvier 2009
Durée = 6 h 30.
Le candidat a le choix entre les deux textes suivants.
I
3. Que nos sens ne nous enseignent pas la nature des choses, mais seulement ce en quoi elles nous sont utiles ou nuisibles.
Il suffira que nous remarquions seulement que tout ce que nous apercevons par l’entremise de nos sens se rapporte à l’étroite union qu’a l’âme avec le corps, et que nous connaissons ordinairement par leur moyen ce en quoi les corps de dehors nous peuvent profiter ou nuire, mais non pas quelle est leur nature, si ce n’est peut-être rarement et par hasard. Car, après cette réflexion, nous quitterons sans peine tous les préjugés qui ne sont fondés que sur nos sens, et ne nous servirons que de notre entendement, parce que c’est en lui seul que les premières notions ou idées, qui sont comme les semences des vérités que nous sommes capables de connaître, se trouvent naturellement.
4. Que ce n’est pas la pesanteur, ni la dureté, ni la couleur, etc., qui constitue la nature du corps, mais l’extension seule.
En ce faisant, nous saurons que la nature de la matière, ou du corps pris en général, ne consiste point en ce qu’il est une chose dure, ou pesante, ou colorée, ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement en ce qu’il est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur. Pour ce qui est de la dureté, nous n’en connaissons pas autre chose, par le moyen de l’attouchement, sinon que les parties des corps durs résistent au mouvement de nos mains lorsqu’elles les rencontrent ; mais si, toutes les fois que nous portons nos mains vers quelque part, les corps qui sont en cet endroit se retiraient aussi vite comme elles en approchent, il est certain que nous ne sentirions jamais de dureté ; et néanmoins nous n’avons aucune raison qui nous puisse faire croire que les corps qui se retireraient de cette sorte perdissent pour cela ce qui les fait corps. D’où il suit que leur nature ne consiste pas en la dureté que nous sentons quelquefois à leur occasion, ni aussi en la pesanteur, chaleur et autres qualités de ce genre ; car si nous examinons quelque corps que ce soit, nous pouvons penser qu’il n’a en soi aucune de ces qualités, et cependant nous connaissons clairement et distinctement qu’il a tout ce qui le fait corps, pourvu qu’il ait de l’extension en longueur, largeur et profondeur : d’où il suit aussi que, pour être, il n’a besoin d’elles en aucune façon et que sa nature consiste en cela seul qu’il est une substance qui a de l’extension.
René DESCARTES, Principes de la philosophie, Seconde partie, art. 3 et 4
II
En réalité, c’est à refaire une synthèse vraiment phénoméniste de la matière et de ses actions qu’est occupée la physique contemporaine. En essayant de relier la matière et le rayonnement, elle donne au métaphysicien une leçon de construction. On va voir d’ailleurs avec quelle disponibilité d’esprit le physicien contemporain étudie le rayonnement, sans accepter précisément ce matérialisme honteux qu’est toute doctrine du fluide, de l’émanation, des exhalaisons, des esprits volatils.
Énonçons le problème sous une forme aussi polémique que possible, en le réduisant à des thèses métaphysiques. Wurtz (1) fonde l’atomisme sur cet antique argument qu’on ne peut « imaginer de mouvement sans quelque chose qui se meut ». A cet argument, la microphysique serait tentée de répondre par la réciproque : « on ne peut imaginer une chose sans poser quelque action de cette chose ».
En effet, une chose peut bien être un objet inerte pour une sorte d’empirisme oisif et massif, pour une expérience non réalisée, c’est-à-dire non prouvée et par conséquent abstraite malgré ses revendication pour le concret. Il n’en va pas de même pour une expérimentation de la microphysique. Là, on ne peut pratiquer la prétendue analyse du réel et du devenir. On ne peut décrire que dans une action. Par exemple, qu’est-ce qu’un photon immobile ? On ne peut détacher le photon de son rayon comme aimerait sans doute à le faire un chosiste habitué à manier les objets sans cesse disponibles. Le photon est de toute évidence un type de chose-mouvement. D’une manière générale, il semble que plus l’objet soit petit, mieux il réalise le complexe d’espace-temps, qui est l’essence même du phénomène. Le matérialisme élargi, dégagé de son abstraction géométrique primitive, conduit ainsi naturellement à associer la matière et le rayonnement.
Dans cette vue, quels vont être, pour la matière, les caractères phénoménaux les plus importants ? Ce sont ceux qui sont relatifs à son énergie. Avant tout, il faut considérer la matière comme un transformateur d’énergie, comme une source d’énergie ; puis parfaire l’équivalence des notions et se demander comment l’énergie peut recevoir les différents caractères de la matière. Autrement dit, c’est la notion d’énergie qui forme le trait d’union le plus fructueux entre la chose et le mouvement ; c’est par l’intermédiaire de l’énergie qu’on mesure l’efficacité d’une chose en mouvement, c’est par cet intermédiaire qu’on peut voir comment un mouvement devient une chose.
Gaston BACHELARD, Le Nouvel esprit scientifique, Chapitre III.
(1) Charles Adolphe Wurtz (1817-1884), nommé professeur de chimie organique à la Sorbonne en 1875.
Durée = 7 heures
La morale a-t-elle besoin d’un fondement ?
9 & 10 mars 2009
Durée = 6h
Sommes-nous séparés du réel par les représentations que nous nous en faisons ?
Durée = 6h
« Comme nous voyons que le monde, formé par le mouvement de la matière, et privé d’intelligence, subsiste toujours, il faut que ses mouvements aient des lois invariables ; et si l’on pouvait imaginer un autre monde que celui-ci, il aurait des règles constantes, ou il serait détruit.
Ainsi la création, qui paraît être un acte arbitraire, suppose des règles aussi invariables que la fatalité des athées. Il serait absurde de dire que le Créateur, sans ces règles, pourrait gouverner le monde, puisque le monde ne subsisterait pas sans elles.
Ces règles sont un rapport constamment établi. Entre un corps mû et un autre corps mû, c’est suivant les rapports de la masse et de la vitesse que tous les mouvements sont reçus, augmentés, diminués, perdus ; chaque diversité est uniformité, chaque changement est constance.
Les êtres particuliers intelligents peuvent avoir des lois qu’ils ont faites ; mais ils en ont aussi qu’ils n’ont pas faites. Avant qu’il y eût des êtres intelligents, ils étaient possibles ; ils avaient donc des rapports possibles, et par conséquent des lois possibles. Avant qu’il y eût des lois faites, il y avait des rapports de justice possibles. Dire qu’il n’y a rien de juste ni d’injuste que ce qu’ordonnent ou défendent les lois positives, c’est dire qu’avant qu’on eût tracé un cercle, tous les rayons n’étaient pas égaux.
Il faut donc avouer des rapports d’équité antérieurs à la loi positive qui les établit : comme, par exemple, que, supposé qu’il y eût des sociétés d’hommes, il serait juste de se conformer à leurs lois ; que, s’il y avait des êtres intelligents qui eussent reçu quelque bienfait d’un autre être, ils devraient en avoir de la reconnaissance ; que, si un être intelligent avait créé un être intelligent, le créé devrait rester dans la dépendance qu’il a eue dès son origine ; qu’un être intelligent, qui a fait du mal à un autre être intelligent, mérite de recevoir le même mal, et ainsi du reste.
Mais il s’en faut bien que le monde intelligent soit aussi bien gouverné que le monde physique. Car, quoique celui-là ait aussi des lois qui, par leur nature, sont invariables, il ne les suit pas constamment comme le monde physique suit les siennes. La raison en est que les êtres particuliers intelligents sont bornés par leur nature, et par conséquent sujets à l’erreur ; et, d’un autre côté, il est de leur nature qu’ils agissent par eux-mêmes. Ils ne suivent donc pas constamment leurs lois primitives ; et celles même qu’ils se donnent, ils ne les suivent pas toujours. »
MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, I, 1.
20, 21 & 22 avril 2009
Durée=7h
La clarté.
Durée=7h
Individuation et identité.
Durée=6h
Comme nous l’avons souvent dit, il y a en nous trois espèces d’âme, ayant trois demeures différentes, et dont chacune est dotée de mouvements. A partir de là, maintenant, de même, il nous faut dire de la façon la plus brève que celle d’entre elles qui demeure oisive et reste en repos, sans se mouvoir de ses mouvements propres, nécessairement devient très faible, alors que celle qui fait de l’exercice devient très vigoureuse. Voilà pourquoi il faut veiller à ce que les mouvements de ces trois sortes d’âme préservent entre elles une juste proportion.
Pour l’espère d’âme qui est en nous la principale, il faut s’en faire l’idée que voici : le dieu l’a donnée à chacun de nous comme un démon (daimôn) ; elle est ce principe dont nous disons précisément qu’il demeure dans la partie la plus élevée de notre corps, et qu’il nous élève au-dessus de la terre, vers ce qui dans le ciel lui est apparenté ; car nous sommes une plante non pas terrestre mais céleste. Rien n’est plus juste que de dire cela. En effet, c’est du côté du haut, du côté où l’âme a eu sa première naissance que ce principe divin accroche notre tête, qui est comme notre racine, pour donner à notre corps entier la station droite. Un homme donc qui s’est abandonné aux appétits ou aux ambitions et qui s’y applique fortement, nécessairement toutes ses pensées sont devenues mortelles : à tous égards, dans toute la mesure où il peut se rendre mortel, il n’y manque pas, si peu que ce soit, tant il a développé cette partie-là. Mais lorsqu’un homme a cultivé en lui-même l’amour de la science et les pensées vraies, lorsqu’entre toutes ses facultés, il a exercé principalement la capacité de penser aux choses immortelles et divines, un tel homme, chaque fois qu’il atteint la vérité, sans doute est-il absolument nécessaire que, dans la mesure où la nature humaine peut participer à l’immortalité, il ne lui en échappe pas la moindre parcelle, et que puisqu’il prend soin sans cesse de son principe divin et entretient toujours dans une forme parfaite le démon qui habite en lui, il soit supérieurement heureux (eudaimôn).
Pour tout être il y a donc une seule manière de tout soigner : donner à chaque partie les nourritures et les mouvements qui lui sont propres. Or, les mouvements apparentés à ce qu’il y a de divin en nous, ce sont les pensées du Tout et ses révolutions circulaires. Ce sont elles que chacun doit suivre, en redressant par l’étude approfondie des harmonies et des révolutions du Tout les révolutions qui sont dans notre tête et qui ont té troublées lors de notre naissance ; que celui qui contemple se rende semblable à l’objet de sa contemplation, en conformité avec la nature originelle , et par cette assimilation il atteindra, pour le présent et pour l’avenir, le dernier terme de la vie excellente que les dieux ont proposée aux hommes.
Platon, Timée 89e-90d