vendredi, 23 décembre 2011
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Tous les sujets de philosophie des concours session 2008.
Pas de CAPES interne de philosophie session 2008.
22 & 23 janvier 2008
Durée = 6 h 30.
Le candidat a le choix entre les deux textes suivants.
I
Toute attention demande de la mémoire, et souvent quand nous ne sommes point admonestés pour ainsi dire et avertis de prendre garde à quelques-unes de nos propres perceptions présentes, nous les laissons passer sans réflexion et même sans être remarquées ; mais si quelqu’un nous en avertit incontinent après et nous fait remarquer par exemple quelque bruit qu’on vient d’entendre, nous nous en souvenons et nous nous apercevons d’en avoir eu tantôt quelque sentiment. Ainsi c’étaient des perceptions dont nous ne nous étions pas aperçus incontinent, l’aperception ne venant dans ce cas que de l’avertissement après quelque intervalle, tout petit qu’il soit. Et pour juger encore mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule, j’ai coutume de me servir de l’exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au rivage. Pour entendre ce bruit comme l’on fait, il faut bien qu’on entende les parties qui composent ce tout, c’est-à-dire les bruits de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l’assemblage confus de tous les autres ensemble, c’est-à-dire dans ce mugissement même, et ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait était seule. Car il faut qu’on en soit affecté un peu par le mouvement de cette vague et qu’on ait quelque perception de chacun de ces bruits, quelque petits qu’ils soient ; autrement on n’aurait pas celle de cent mille vagues, puisque cent mille riens ne sauraient faire quelque chose. On ne dort jamais si profondément qu’on n’ait quelque sentiment faible et confus, et on ne serait jamais éveillé par le plus grand bruit du monde, si on n’avait quelque perception de son commencement qui est petit, comme on ne romprait jamais une corde par le plus grand effet du monde, si elle n’était tendue et allongée un peu par des moindres efforts, quoique cette petite extension qu’ils font ne paraisse pas.
Ces petites perceptions sont donc de plus grande efficace par leurs suites qu’on ne pense. Ce sont elles qui forment ce je ne sais quoi, ces goûts, ces images des qualités des sens, claires dans l’assemblage, mais confuses dans les parties, ces impressions que des corps environnants font sur nous, qui enveloppent l’infini, cette liaison que chaque être a avec tout le reste de l’univers. On peut même dire qu’en conséquence de ces petites perceptions le présent est gros de l’avenir et chargé du passé, que tout est conspirant (sumpnoia panta, comme disait Hippocrate) et que dans la moindre des substances, des yeux aussi perçants que ceux de Dieu pourraient lire toute la suite des choses de l’univers.
G.W. Leibniz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain (préface)
II
Vous définissez arbitrairement le présent ce qui est, alors que le présent est simplement ce qui se fait. Rien n’est moins que le moment présent, si vous entendez par là cette limite indivisible qui sépare le passé de l’avenir. Lorsque nous pensons ce présent comme devant être, il n’est pas encore ; et quand nous le pensons comme existant, il est déjà passé. Que si, au contraire, vous considérez le présent concret et réellement vécu par la conscience, on peut dire que ce présent consiste en grande partie dans le passé immédiat. Dans la fraction de seconde que dure la plus courte perception possible de lumière, des trillions de vibrations ont pris place, dont la première est séparée de la dernière par un intervalle énormément divisé. Votre perception, si instantanée soit-elle, consiste donc en une incalculable multitude d’éléments remémorés, et, à vrai dire, toute perception est déjà mémoire. Nous ne percevons, pratiquement, que le passé, le présent pur étant l’insaisissable progrès du passé rongeant l’avenir.
La conscience éclaire donc de sa lueur, à tout moment, cette partie immédiate du passé qui, penchée sur l’avenir, travaille à le réaliser et à se l’adjoindre. Uniquement préoccupée de déterminer ainsi un avenir indéterminé, elle pourra répandre un peu de sa lumière sur ceux de nos états plus reculés dans le passé qui s’organiseraient utilement avec notre état présent, c’est-à-dire avec notre passé immédiat ; le reste demeure obscur. C’est dans cette partie éclairée de notre histoire que nous restons placés, en vertu de la loi fondamentale de la vie, qui est une loi d’action : de là la difficulté que nous éprouvons à concevoir des souvenirs qui se conserveraient dans l’ombre. Notre répugnance à admettre la survivance intégrale du passé tient donc à l’orientation même de notre vie psychologique, véritable déroulement d’états où nous avons intérêt à regarder ce qui se déroule, et non pas ce qui est entièrement déroulé.
Henri Bergson, Matière et mémoire (ch. III)
Durée = 7 h
La politique : affaire de compétence ?
10 & 11 mars 2008
Durée = 6h
La moralité est-elle utile à la vie sociale ?
Durée = 6h
Je n’admets pas que les erreurs dépendent plus de la volonté que de l’entendement. Croire le vrai ou croire le faux, l’un étant connaitre, l’autre se tromper, n’est autre chose qu’une certaine conscience ou un certain souvenir de perceptions ou de raisons, et cela ne dépend donc pas de la volonté, si ce n’est dans la mesure où, de manière indirecte, il finit aussi parfois par arriver à notre insu que ce que nous volons, il nous semble que nous le voyons. [...] Nous jugeons donc, non pas selon notre volonté, mais selon ce qui nous apparaît. Quant à l’opinion que la volonté s’étend plus loin que l’entendement, elle est plus ingénieuse que vraie : ce ne sont là que de belle parole pour le grand public. Nous ne voulons rien que ce qui s’offre à l’entendement. L’origine de toutes les erreurs est, en un certain sens, la même que la raison des erreurs de calcul qu’on observe chez les arithméticiens. En effet, il arrive souvent que, par un défaut d’attention ou de mémoire, nous faisons ce qu’il ne faut pas faire ou omettons ce qu’il faut faire, ou bien que nous croyons avoir fait ce que nous n’avons pas fait ou que nous avons fait ce que nous croyons n’avoir pas fait. Ainsi il arrive que dans le calcul (auquel, dans l’âme, répond le raisonnement), on oublie de poser certains signes nécessaires ou qu’on en mette qu’il ne faut pas ; qu’on néglige un des éléments du calcul en les rassemblant ou qu’on opère contre la règle. Lorsque notre esprit est fatigué ou distrait, il ne fait pas suffisamment attention à ses opérations présentes, ou bien, par une erreur de mémoire, il accepte comme déjà prouvé ce qui s’est seulement profondément enraciné en nous par l’effet de répétitions fréquentes ou d’un attachement obstiné ou d’un désir ardent. Le remède à nos erreurs est également le même que le remède aux erreurs de calcul : faire attention à la matière et à la forme, avancer lentement, répéter et varier l’opération, recourir à des vérifications et à des preuves, découper les raisonnement étendus pour permettre à l’esprit de reprendre haleine, et vérifier chaque partie par des preuves particulières. Et comme dans l’action, on est quelque fois pressé, il est important qu’on ait habitué l’âme à être présente à elle-même, à l’exemple de ceux qui, même au milieu du bruit et sans calculer par écrit, savent exécuter des opérations sur de très grands nombres. De cette façon, l’esprit ne se laisse pas facilement distraire par les sensations externe ou par ses propres images ou affection, mais il reste maître de ce qu’il est en train de faire, il conserve son pouvoir d’attention ou, comme on dit communément, de réflexion en soi-même, de manière à pouvoir, tel un conseiller extérieur, se dire sans cesse à lui-même : vois ce que tu fais, pourquoi le fais-tu actuellement ? le temps passe !
Leibniz, Remarques sur la partie générale des Principes de Descartes, sur la première partie, articles 31-35, trad P. Schrecker modifiée.
15,16 & 17 avril 2008
Durée=7h
Pourquoi y a-t-il plusieurs philosophies ?
Durée=7h
Peut-on dire d’une image qu’elle parle ?
Durée=6h
S’il s’agit de savoir qui fut le premier roi des Français ; en quel lieu les géographes placent le premier méridien ; quels mots sont usités dans une langue morte, et toutes les choses de cette nature, quels autres moyens que les livres pourraient nous y conduire ? Et qui pourra rien ajouter de nouveau à ce qu’ils nous en apprennent, puisqu’on ne veut savoir que ce qu’ils contiennent ?
C’est l’autorité seule qui nous en peut éclaircir. Mais où cette autorité a la principale force, c’est dans la théologie, parce qu’elle y est inséparable de la vérité, et que nous ne la connaissons que par elle : de sorte que pour donner la certitude entière des matières les plus incompréhensibles à la raison, il suffit de les faire voir dans les livres sacrés (comme, pour montrer l’incertitude des choses les plus vrai semblables, il faut seulement faire voir qu’elles n’y sont pas comprises) ; parce que ses principes sont au-dessus de la nature et de la raison, et que, l’esprit de l’homme étant trop faible pour y arriver par ses propres efforts, il ne peut parvenir à ces hautes intelligences, s’il n’y est porté par une force toute- puissante et surnaturelle.
Il n’en est pas de même des sujets qui tombent sous le sens ou sous le raisonnement : l’autorité y est inutile ; la raison seule a lieu d’en connaître. Elles ont leurs droits séparés : l’une avait tantôt tout l’avantage ; ici l’autre règne à son tour. Mais comme les sujets de cette sorte sont proportionnés à la portée de l’esprit, il trouve une liberté tout entière de s’y étendre ; sa fécondité inépuisable produit continuellement, et ses inventions peuvent être tout en semble sans fin et sans interruption...
C’est ainsi que la géométrie, l’arithmétique, la musique, la physique, la médecine, l’architecture, et toutes les sciences qui sont soumises à l’expérience et au raisonnement, doivent être augmentées pour devenir parfaites. Les anciens les ont trouvées seulement ébauchées par ceux qui les ont précédés ; et nous les laisserons à ceux qui viendront après nous en un état plus accompli que nous ne les avons reçues. Comme leur perfection dépend du temps et de la peine, il est évident qu’encore que notre peine et notre temps nous fussent moins acquis que leurs travaux, séparés des nôtres, tous peux néanmoins joints ensemble doivent avoir plus d’effet que chacun en particulier.
L’éclaircissement de cette différence doit nous faire plaindre l’aveuglement de ceux qui apportent la seule autorité pour preuve dans les matières physiques, au lieu du raisonnement ou des expériences ; et nous donner de l’horreur pour la malice des autres, qui emploient le raisonnement seul dans la théologie au lieu de l’autorité de l’écriture et des Pères.
Pascal Préface pour le Traité du vide.